ACTIONNAIRES
Nouveaux titres, nouveaux porteurs
Les institutions vivent et évoluent. La société par actions, instrument juridique essentiel de l'économie moderne, n'échappe pas à la règle. La description qui en a été faite ici se modifie peu à peu.
La société anonyme mérite de moins en moins ce nom. Soucieuses de se protéger contre les O.P.A. et l'intrusion de partenaires non désirés, les sociétés ont désormais le droit d'obtenir, auprès des dépositaires de titres, le nom de leurs actionnaires. Leur démarche a été favorisée par la dématérialisation des titres. Les titres au porteur ne sont plus représentés par une vignette, transmissible manuellement, mais par une inscription dans un compte tenu soit par la société elle-même, soit par un intermédiaire de Bourse. La négociation sur le marché en a été facilitée, mais le fisc et les dirigeants d'entreprise y ont trouvé intérêt. Le droit de vote, arme essentielle de la démocratie dans les assemblées générales, a subi de multiples atteintes. Aux exemples déjà cités, il faut ajouter :
– les actions à dividende prioritaire sans droit de vote. En contrepartie d'un dividende garanti et plus élevé que le dividende ordinaire, l'actionnaire n'a pas de voix aux assemblées ;
– les certificats d'investissement, qui représentent comme les actions une quote-part du capital, mais dont les porteurs n'ont pas le droit de vote. Ce type d'émission a été surtout utilisé par des sociétés nationalisées qui souhaitaient augmenter leur capital, mais n'avaient pas le droit de vendre ou d'émettre des actions.
En outre, la distinction classique entre droits de propriété (actions) et droits de créance (obligations) s'est atténuée du fait de la création de titres mixtes associant ou faisant alterner les deux caractéristiques. On peut citer : les obligations échangeables ou convertibles en actions, les obligations remboursables en actions à leur échéance et les obligations assorties de bons de souscription, ou warrants, permettant d'acheter les actions à un prix et à une date convenus.
Ces exemples n'épuisent pas la liste, pratiquement illimitée, des titres nouveaux offerts à l'épargnant. Les innovations constantes ont accru la liberté de choix des émetteurs et des porteurs, non sans entraîner des risques de confusion. Elles expliquent en partie le succès des O.P.C.V.M., qui dispensent les porteurs de l'embarras d'un choix personnel. Elles ont l'inconvénient de détruire peu à peu ce qui constituait naguère le ciment d'une société anonyme, l'affectio societatis, qu'on pourrait traduire par l'attachement personnel à l'entreprise. Les sociétés ne sont plus assurées de la fidélité de leur actionnariat.
L'évolution des techniques boursières a poussé dans le même sens. La cotation des valeurs en continu, l'éclat médiatique des O.P.A., la multiplication des marchés d'options sur valeurs ou sur indices, l'irruption des marchés dérivés tels que le M.A.T.I.F. (marché à terme international de France), tous ces facteurs ont contribué à faire prévaloir les objectifs de placement à court terme. Théoriquement placement de longue durée, l'action est devenue un moyen parmi d'autres de « jouer la tendance » du marché, pour des périodes de plus en plus brèves. Les « bons pères de famille », armée permanente et obscure de la Bourse, sont en passe de devenir des corps de mercenaires gagnés par l'esprit de spéculation. À la première occasion, ils quittent le champ de bataille pour chercher fortune ailleurs, et les actionnaires du jour se retrouvent porteurs de titres de créance négociables.
L'évolution, certes, n'est pas achevée, mais elle est nette. Les inconvénients qu'elle présente pour l'avenir des entreprises risquent de l'emporter sur les avantages[...]
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Écrit par
- Pierre BALLEY : président de l'Association des sociétés et fonds français d'investissement (A.S.F.F.I.), président d'honneur du Conseil du marché à terme, ancien membre du collège de la Commission des opérations de Bourse.
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