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ACTIONNAIRES

L'actionnariat populaire

On n'entendra pas ici par actionnariat populaire la diffusion progressive de l'actionnariat dans des couches de plus en plus modestes de la population, à la faveur de l'enrichissement général des nations industrielles et de l'extension de la classe moyenne, mais un effort conscient entrepris de longue date pour essayer de surmonter la méfiance, voire l'hostilité foncière du monde du travail salarié à l'égard des privilèges que le capitalisme assure aux propriétaires des entreprises, et donc aux actionnaires et à leurs mandataires. Faire d'un ouvrier, serait-ce accessoirement, un actionnaire de sa propre société paraît en effet, au moins en théorie, un moyen de le faire évoluer d'une attitude de conflit à une mentalité d'associé. Il s'agit, tout le moins, d'une méthode pédagogique qui peut l'aider à mieux comprendre les rôles respectifs du travail et du capital.

Il est sans grand intérêt – autre qu'historique – de passer en revue les nombreuses procédures utilisées à cette fin car elles ont pratiquement toutes échoué ; on peut, en gros, distinguer celles qui visaient à constituer un actionnariat individuel et celles qui visaient à constituer un actionnariat collectif.

Dans le premier cas, le salarié recevait, en complément de traitement ou à titre de participation à un bénéfice, des actions qui lui étaient distribuées gratuitement ou qu'il pouvait souscrire à un prix préférentiel. Bien accueillie aux États-Unis, dans les années d'euphorie boursière, cette forme d'actionnariat n'a pas résisté à la grande crise de 1929-1933. Au lendemain de la guerre, l'expérience a repris, sans entraîner un véritable engouement. Dans les autres pays industriels, et notamment en France, où la contestation à l'égard du capitalisme était plus vive, les résultats ont été négligeables.

Il fallait beaucoup d'optimisme, il est vrai, pour imaginer que la détention de quelques actions pût changer sensiblement le sort et la psychologie du « prolétariat ». Au moins eût-il été nécessaire de jouer loyalement le jeu et de donner aux salariés-actionnaires un certain accès au pouvoir. Les majoritaires et les conseils d'administration s'en sont bien gardés. Là où la cogestion a été mise en œuvre, par exemple dans la constitution des conseils d'administration en Allemagne, c'est par la volonté du législateur et sans référence à la propriété des actions.

L'actionnariat collectif pouvait paraître, a priori, mieux adapté à l'objectif poursuivi. Le regroupement des salariés dans un organisme capable de les représenter tous ensemble leur donnait un poids sans commune mesure avec celui de leurs interventions dispersées. En confiant, par exemple, cette fonction aux syndicats, on offrait à ces derniers l'occasion d'élargir leur rôle de défense et de promotion de la condition ouvrière.

Comme on pouvait s'y attendre, c'est aux États-Unis que la formule a eu le plus d'écho. Jouissant souvent d'une véritable puissance financière et n'ayant pas à l'égard du capital les mêmes réserves et les mêmes complexes que leurs homologues européens, ils sont effectivement devenus des actionnaires importants, mais, par souci de bonne gestion et pour éviter de trop dépendre de leur employeur, ils ont diversifié leurs placements, au détriment du rôle qu'ils auraient pu jouer auprès de lui. Les syndicats allemands ont suivi une voie parallèle.

En France, l'inspiration marxiste qui a longtemps dominé l'action syndicale a fait obstacle à cette forme de collaboration de classes, considérée comme une trahison de la classe ouvrière et comme un piège tendu par le patronat. L'échec a été patent.

Le résultat n'a pas été plus heureux avec l'expérience, cependant[...]

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Écrit par

  • : président de l'Association des sociétés et fonds français d'investissement (A.S.F.F.I.), président d'honneur du Conseil du marché à terme, ancien membre du collège de la Commission des opérations de Bourse.

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Marchés financiers - crédits : Encyclopædia Universalis France

Marchés financiers

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