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STIFTER ADALBERT (1805-1868)

Entre la terreur et la paix goethéenne

Influencée surtout par la préface des Bunte Steine, dans laquelle Stifter définit ce qu'il appelle la « douce loi » de l'histoire selon laquelle les événements infimes de la vie quotidienne sont plus importants que les révolutions politiques et sociales, négligeant la valeur d'actualité de ces lignes écrites après la révolution de 1848, la critique a longtemps vu en Stifter, pour l'en louer ou lui en tenir rigueur, l'image parfaite d'une pensée autrichienne immobiliste, abîmée dans l'adoration de l'ordre divin du monde. Sans doute, le grand thème de son œuvre est la « passion » (Die Leidenschaft), élément perturbateur et destructeur, qui se manifeste aussi bien dans l'amour que dans l'appétit de richesse et de pouvoir, ou même dans les aspirations démesurées d'un poète que l'auteur décrit, en termes inspirés du romantisme finissant, comme celui qui rêve de s'élever « à la hauteur des étoiles ». Mais l'ordre du monde, la nature divine ne suscitent, dans la majeure partie de l'œuvre, que l'épouvante et la terreur : tantôt, comme dans Les Grands Bois (Der Hochwald), la forêt, avec ses personnages et ses animaux directement issus de la mythologie romantique, rejette ceux qui ont cherché asile en son sein, et dont la seule présence est souillure de sa beauté éternelle, tantôt, comme dans Der Condor, Le Village sur la lande (Das Heidedorf) et plus encore dans le récit de l'éclipse de soleil de 1842, la majesté divine cachée derrière les lois de la nature rend manifeste l'inconsistance de l'existence humaine. Les images parallèles du ciel radieux, qui brûle les récoltes, et de l'immensité blanche du glacier, où l'on est pris au piège, traduisent la découverte d'une « effroyable innocence des choses », inaccessible et mortelle à la fois. Un thème que l'on trouve fréquemment dans son œuvre est celui de la maison détruite par la violence des hommes ou par les forces naturelles.

Deux directions apparaissent alors. Dans le recueil Bunte Steine sont mis en scène des enfants qui ne connaissent ni la « passion » ni l'angoisse. Mais la direction la plus fructueuse est celle qu'indiquent les romans où, s'inspirant des traditions du roman d'éducation Der Nachsommer ou du roman historique Witiko, Stifter montre l'édification d'une culture humaine. Dans la première œuvre, la « maison des roses » rassemble une communauté d'élite, qui mène une vie aristocratique, fondée sur l'admiration de la beauté de l'art et de la nature, dans l'autre sont retracées en parallèle la fondation d'une lignée et la constitution, au milieu du désordre des guerres, du royaume de Bohême d'abord, de l'empire des Hohenstaufen ensuite.

Par ce rêve d'une société reposant sur la raison, la beauté et l'humanité, Stifter se sentait un continuateur de Goethe, et il n'a cessé d'affirmer cette parenté, en même temps qu'il proclamait sa volonté de recréer un style classique, « granitique ». Mais la naïveté voulue, la simplicité de son style sont le produit d'un travail inlassable, d'un effort incessant pour vaincre la terreur qui est le sentiment fondamental de son œuvre.

— Jean-Louis BANDET

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne

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  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

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    ...Avant-Mars » essaie de se démarquer du romantisme. Après le rêve intérieur, elle recherche la sensation et le concret. C'est la route que poursuit en Autriche Adalbert Stifter (1805-1868), qui voudrait, dans cette fin des temps, construire un nouveau classicisme, une « arrière-saison » de sagesse résignée. Tandis...