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SMITH ADAM (1723-1790)

L'école classique

La Richesse des nations n'a jamais cessé d'être considérée comme une œuvre fondamentale. La première raison tient à l'ouvrage lui-même : œuvre de synthèse, elle ne contient rien de nouveau, mais toutes les connaissances économiques du temps sont présentées autour d'un concept central – la richesse nationale – en un système général et cohérent ; on ne se trouve plus en face de visions peut-être plus géniales, mais fragmentaires, comme celles de Pierre de Boisguilbert et de William Petty à la fin du xviie siècle ou de François Quesnay en 1758. En outre, Smith connaît fort bien l' histoire économique et confronte sans cesse sa pensée et les faits.

On comprend alors que l'ouvrage ait constitué le fondement d'une école, l'école classique, qui a régné jusqu'au milieu du xixe siècle et dont les représentants les plus notables ont été Malthus, Ricardo et Mill. Ainsi Malthus a-t-il approfondi le mécanisme de la croissance en mettant en valeur les phénomènes de population et l'écart entre la croissance potentielle et la croissance effective. Même Marx a contracté une dette importante à l'égard de Smith, puisque l'idée de ce dernier suivant laquelle le travailleur n'est pas rémunéré pour la totalité de son travail a servi de base aux thèses de l'exploitation et de la plus-value.

La seconde raison de la faveur qu'a connue l'ouvrage tient au moment de sa parution. L'Angleterre, première puissance mondiale des années 1770, est en plein bouleversement : la technique progresse à la suite des inventions réalisées dans les branches textile et sidérurgique ; la hausse de la population commencée vers 1740 a revêtu une forte ampleur et changé la dimension du marché ; les enclosures transforment le paysage agraire, modifient les classes sociales et créent une main-d'œuvre prête à s'employer dans l'industrie ; la guerre d'indépendance américaine pose le problème des relations extérieures. L'instant paraît venu d'engager le pays dans la voie de l'industrialisation et d'accroître encore sa puissance. La Richesse des nations arrive au moment opportun pour indiquer à la nation que faire et comment.

Répondant ainsi aux problèmes de son temps, les enseignements de Smith furent largement appliqués. Pendant un siècle, l'Angleterre resta le pays du libéralisme où les individus en quête de profit et guidés par l'intérêt personnel contribuent au bien-être général. Devenue l'atelier du monde dans les années 1845-1870, elle s'efforça d'introduire une plus grande liberté dans les relations extérieures (par exemple avec la France en 1860). Les tâches assurées par l'État furent réduites au minimum, non seulement chez elle, mais dans nombre de pays, tandis que les règles relatives à la fiscalité prenaient l'aspect d'un dogme et constituaient le fondement des systèmes fiscaux. Portées par la puissance économiquement dominante, les idées de Smith conquirent alors le monde.

« Lisez Adam Smith comme il le mérite et vous vous apercevrez qu'avant lui l'économie politique n'existait pas. » Le jugement de J.-B. Say au début du xixe siècle est toujours exact.

— Jacques WOLFF

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