ADAM
La tradition chrétienne
Outre les données de la Genèse, la tradition chrétienne doit tenir compte d'un nouvel élément, l'enseignement de saint Paul qui met en parallèle avec Adam, homme terrestre, le Christ, à la fois rédempteur et homme parfait, spirituel, dont nous devons porter l'image. Les Pères de l'Église ont aussi été influencés, plus ou moins inconsciemment, par des conceptions philosophiques, comme celle de l'idéal stoïcien du sage, maître impassible de toutes ses réactions.
Selon saint Irénée (fin du iie s.), Adam a été créé dans un état d'imperfection relative, analogue à celui des enfants, c'est-à-dire de développement incomplet des facultés spirituelles. Pour saint Grégoire de Nysse (seconde moitié du ive s.), Adam jouissait d'une sorte d'état angélique. Si les sexes existaient dans l'innocence première, c'était en prévision de la chute.
Mais celui qui devait exercer la plus profonde influence sur la théologie ultérieure fut saint Augustin (début du ve s.). Pour lui, la nudité sans honte du premier couple dans le paradis montre que la sensibilité était totalement sous la motion de la volonté aussi longtemps que cette volonté était soumise à Dieu. Toutes les passions de la sensibilité et les mouvements des organes sexuels étaient alors déclenchés par la décision volontaire, comme les mouvements de la main dans notre condition présente. Adam était donc exempt de la concupiscence que nous éprouvons actuellement. De même il n'était pas soumis à la mortalité et à la souffrance. Sa vie terrestre terminée, il aurait été transféré dans un état meilleur et glorieux, sans passer par la corruption.
Ces vues ont été reprises à peu près telles quelles dans la tradition théologique occidentale, avec des variations dans le vocabulaire et la systématisation rationnelle. À partir du xviie siècle, elles ont subi, de la part de la philosophie et de la critique biblique, des mises en question de plus en plus radicales concernant soit leur conformité au donné de la Genèse, soit la vérité objective de ce dernier.
Les figurations d'Adam sont innombrables dans l'art chrétien, depuis les fresques des catacombes romaines au iie siècle et les bas-reliefs de sarcophages au ive. Ces images sont inspirées, en proportions diverses, par le désir de proposer un enseignement religieux, ou par le goût pour la représentation du nu. Le crâne et les ossements placés au-dessous de certains crucifix sont ceux d'Adam, conformément à la légende ancienne d'après laquelle la croix aurait été dressée au-dessus de la sépulture d'Adam, lui apportant ainsi le salut.
Pour ceux qui reconnaissent au récit biblique une valeur plus ou moins grande de révélation religieuse, des questions doctrinales peuvent se poser.
Ainsi dans la nudité du premier couple (Gen., ii, 25) faut-il voir l'exemption de la concupiscence, la maîtrise absolue de la volonté sur les réactions sexuelles, selon la pensée de saint Augustin et de la théologie médiévale ? Ou signifie-t-elle que, dans l'innocence première, la défiance et le mépris mutuels n'ont pas envahi les rapports entre individus et que n'existait pas alors la dévaluation sociale résultant de la nudité, aux yeux d'Israël ? Cette seconde interprétation ne fournit plus une base solide aux déductions théologiques édifiées par saint Augustin sur sa propre conception de la perfection originelle d'Adam.
Le récit du jardin d' Eden est-il à concevoir comme décrivant, avec quelques traits symboliques, la création et les expériences d'un premier couple, ancêtre unique de toute l'humanité, ou s'agit-il d'un mythe exprimant à la manière des mythes, c'est-à-dire sous la forme d'un événement concret, une vue de l'humanité et de sa condition ? Dans ce cas, le texte biblique n'est pas pour autant privé de vérité, bien[...]
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Écrit par
- André-Marie DUBARLE : ancien professeur d'exégèse biblique au couvent dominicain du Saulchoir
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