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ADDISON JOSEPH (1672-1719) & STEELE RICHARD (1672-1729)

Fin d'une amitié

La collaboration entre Addison et Steele résistera mal, hélas ! au monument élevé à leur amitié, à leur génie. Aux entreprises journalistiques de Steele, le Guardian (1712), le Lover (1714), le Reader (1715), Addison contribuera de moins en moins. Et, de son côté, Steele ne prendra aucune part au Free-Holder ou à l'Old Whig (1716), revues à coloration exclusivement politique. C'est d'ailleurs la politique, s'ajoutant à une certaine fatigue de l'inspiration commune, qui détachera peu à peu les deux hommes l'un de l'autre. Indirectement d'abord, car il n'est pas douteux que Steele, homme de théâtre, n'ait ressenti l'accueil que le public de 1713, aussi bien tory que whig, a réservé à Caton, applaudissant les mêmes passages pour des raisons inverses. Ce n'est guère meilleur que le livret de Rosamund qu'écrivit Addison sept ans plus tôt, mais la nouvelle classe bourgeoise, en Angleterre et surtout sur le continent, salue en Caton une tragédie à sa mesure, une leçon de haute vertu politique. À ces triomphes littéraires s'ajoutent, pour Addison, des satisfactions politiques et mondaines dont Steele est privé. L'un et l'autre étaient devenus membres du Parlement. Mais, tandis que Steele était expulsé de la Chambre pour avoir dénoncé les responsables de la chute de Dunkerque et s'être opposé aux pourparlers de paix avec Louis XIV, Addison se taisait. Avec le retour au pouvoir des whigs, Addison va de promotion en promotion jusqu'au secrétariat d'État. Il a épousé en 1716 une veuve de haut rang, la comtesse de Warwick, dont il a eu une fille et peu de satisfactions. Sa dernière année, 1719, est assombrie par une violente polémique avec Steele au sujet du Peerage Bill. On aurait voulu qu'à son lit de mort il nommât son vieil ami. Il se contenta de proposer à son beau-fils le spectacle d'une fin édifiante.

Steele qui, aux dires d'un de ses adversaires, avait, en se tournant vers la politique militante, « gratifié son parti d'un pamphlétaire maladroit à la place d'un excellent bouffon », profita moins du retour des whigs et de l'avènement des Hanovre qu'il n'était en droit d'espérer. Il obtint toutefois, en 1715, la surintendance du théâtre de Drury Lane, qui alimentera plus tard la revue The Theatre et lui permettra de monter sa dernière comédie, les Conscious Lovers (1723), où se reflète l'opposition entre la nouvelle classe mercantile et l'ancienne noblesse terrienne, ainsi que l'effet nocif de l'air citadin sur la classe domestique. En 1717, « Prue », cette épouse tant aimée et si mal traitée, meurt. Désormais, Steele partagera son temps entre la métropole et les propriétés de sa femme disparue. Il est triste, ses forces déclinent. Un coup de sang le paralyse. En 1729, ce bon vivant saluera la mort comme une délivrance.

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