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ADMINISTRATION Le droit administratif

Le droit administratif français

Formation historique

L'essor du droit administratif, en France, s'explique par la rencontre d'une tradition et d'une idéologie.

La tradition : celle d'un appareil administratif auquel les deux derniers siècles de la monarchie avaient donné une cohérence et une tendance centralisatrice que le Consulat et l'Empire allaient porter à l'extrême. La Révolution, cependant, avait repris, au bénéfice de son administration, les efforts de l'administration royale pour échapper au contrôle des parlements, hostiles à la centralisation : en interdisant aux corps judiciaires de connaître des procès dans lesquels l'administration était en cause, elle soustrayait pratiquement celle-ci à l'emprise du droit commun, que les juges ordinaires lui auraient normalement appliqué. Le triomphe de la tradition ne pouvait cependant affranchir l'administration de toute règle de droit : l'idéologie ne le permettait pas, qui imposait la subordination de l'exécutif à la loi. Le terrain était donc préparé pour le compromis auquel on a fait allusion : une administration soumise au droit, mais à un droit respectueux de sa puissance et de ses traditionnelles prérogatives, taillé sur mesure, distinct du droit privé.

Création du Conseil d'État, 1799 - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Création du Conseil d'État, 1799

Pourtant, l'élaboration se fit lentement. Trait essentiel : le législateur y eut relativement peu de part. Le Conseil d'État, résurgence en l'an VIII de l'ancien Conseil du roi, d'abord conseiller du chef de l'État lorsque celui-ci statuait sur les litiges – soustraits aux tribunaux judiciaires – mettant en cause l'administration, puis, après 1872, juge de ces litiges, dut, au fur et à mesure que ceux-ci faisaient surgir devant lui des questions auxquelles le droit écrit n'apportait aucune réponse, poser, au fil de ses décisions, les principes de solution. Cette jurisprudence, dont l'âge d'or s'annonce dès la seconde moitié du siècle, a élaboré l'essentiel des règles qui demeurent à la base du droit administratif. Elles furent organisées et systématisées par une doctrine abondante et constructive, que dominent les noms de Laferrière, d'Hauriou, de Duguit et de Jèze. Entre 1890 et 1914, le droit administratif atteint son plein épanouissement, et les nombreuses remises en question de la période contemporaine n'en ont pas encore altéré les traits essentiels.

Caractères dominants

Les sources : prééminence de la jurisprudence

L'originalité du droit administratif s'affirme d'abord dans ses sources. On l'a vu, c'est la jurisprudence qui est ici prédominante. Le trait peut surprendre, dans un pays où le prestige de la règle écrite domine l'ensemble des disciplines juridiques, du fait notamment des grandes codifications napoléoniennes. Mais précisément, au début du xixe siècle, la matière était trop neuve pour se prêter à l'élaboration d'un code. Le législateur s'en est donc tenu à une attitude pragmatique : les textes qui se sont succédé ont fixé le statut des divers organes administratifs, réglé certaines procédures, ils n'ont jamais posé de principes généraux, ni donné, de l'ensemble des rapports nés de l'action administrative, une vue synthétique.

Ces principes, c'est le juge qui a dû les élaborer. On a déjà souligné le lien étroit qui existe, en France, entre l'existence d'une juridiction administrative distincte, dont le Conseil d'État est l'organe essentiel, et celle d'un droit administratif original : si le juge judiciaire avait dû trancher les litiges administratifs, il aurait tout naturellement recouru au droit commun, qui lui était familier, pour combler les lacunes de la législation administrative. Un juge spécialisé, habitué aux réalités de l'administration, a rejeté, à l'inverse, le [...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris

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Création du Conseil d'État, 1799 - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

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