ADMINISTRATION Les juridictions administratives françaises
La loi du 31 décembre 1987 « portant réforme du contentieux administratif » a permis à la justice administrative de franchir une nouvelle étape, notamment avec la création des cours administratives d'appel. Ainsi se parachève la construction d'un édifice, commencée dès la période révolutionnaire avec l'institution par la Constitution du 22 frimaire an VIII (15 déc. 1799) du Conseil d'État, et poursuivie en 1953 avec la création des tribunaux administratifs.
En s'intercalant entre ces derniers et le Conseil d'État, les cours administratives d'appel viennent rapprocher, mais non calquer, la structure du contentieux administratif de celle des tribunaux judiciaires. La mise en place progressive de cette réforme est l'occasion de faire le point sur le fonctionnement de ces juridictions.
Organisation des juridictions administratives
Mal connue des citoyens car vivant un peu à l'ombre de sa grande sœur judiciaire (environ six mille magistrats judiciaires contre six cents membres du Conseil d'État et conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, cent quatre-vingt-un tribunaux de grande instance et quatre cent soixante et onze tribunaux d'instance contre trente-six tribunaux administratifs), l'existence des juridictions administratives est cependant caractéristique du système judiciaire français. Cette dualité juridictionnelle n'est pas un modèle qui va de soi. De nombreux systèmes judiciaires, notamment le très important bloc anglo-saxon, l'ont rejeté : l'administration est alors jugée, autant que faire se peut, dans les mêmes conditions que les particuliers.
Évolution historique
La paralysie de l'administration par les parlements de l'Ancien Régime a conduit les révolutionnaires de 1789 à adopter une conception radicale de la séparation des pouvoirs : défense « itérative » était faite aux tribunaux judiciaires d'avoir connaissance du contentieux résultant de l'activité administrative. Pendant quelque temps, l'administration fut amenée à se juger elle-même, situation peu compatible avec le fonctionnement d'un État de droit. Mais, dès 1806, le Conseil d'État, conçu d'abord comme conseiller de l'administration, créa une commission du contentieux, dont les avis facultatifs (adressés au chef de l'État, selon le principe de « justice retenue ») s'imposèrent rapidement dans la pratique. Mais il faudra attendre la loi du 24 mai 1872 pour que le Conseil d'État statue seul « au nom du peuple français », selon le principe de « justice déléguée » (une première fois accordée en 1849, mais supprimée par Napoléon III en 1852).
Aujourd'hui, plus que sur des raisons historiques, l'existence de l'ordre administratif repose sur ses compétences techniques : à l'administration, justiciable hors les normes, il faut appliquer un corps de règles adaptées, mises en œuvre par un juge qui la connaît bien pour en être souvent issu, mais dont l'indépendance, affirmée par la loi et la jurisprudence constitutionnelle, garantit la préservation de l'intérêt des citoyens. Quant à la prévention ou à la résolution des conflits qui résultent nécessairement de l'existence de deux ordres de juridiction concurrents, elle est confiée à une juridiction non moins originale, le Tribunal des conflits, composé paritairement de représentants des cours suprêmes de chaque ordre (Cour de cassation et Conseil d'État), sous la présidence du garde des Sceaux.
Organisation actuelle
Sur le papier, l'ordre juridictionnel administratif ressemble beaucoup à son homologue judiciaire : deux degrés de juridiction, première instance et appel, coiffés par une cour suprême. Mais on aurait tort de s'en tenir à ce schéma : plutôt que le sommet d'une pyramide, le Conseil d'État constitue[...]
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Écrit par
- Patrice BEAUJARD : docteur en droit, conseiller des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel
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