HITLER ADOLF (1889-1945)
L'empire raciste
L'évolution militaire ne lui avait pas fait perdre de vue, cependant, la construction de son empire raciste. La guerre offrait un paravent commode pour exécuter des opérations qu'il importait de garder secrètes. Et elle favorisait le déploiement de la violence inhérente à l'idéologie nazie. Dès l'automne de 1939, Hitler fit un pas supplémentaire dans l'épuration raciale du peuple allemand en ordonnant l'assassinat, qui fut réalisé par gazage, des handicapés et des malades mentaux ; cette prétendue « euthanasie » fit plus de 70 000 victimes.
Parallèlement, il posait les jalons de son empire. Si des décisions importantes étaient remises à l'après-guerre, notamment la fixation des frontières, des directions étaient prises, qui indiquaient les contours de l'Europe à venir. Une Europe dont l'économie et la politique seraient régulées à partir de Berlin, en vertu d'une sorte de néo-doctrine de Monroe et dont le cœur serait formé à la fois par les populations allemandes et par les peuples dits germaniques, les Scandinaves, les Hollandais, les Flamands, qu'il s'agissait d'absorber dans un grand Reich dont l'aire de développement était située à l'Est. L'« espace vital » conquis aux dépens de la Pologne, des pays Baltes et de l'U.R.S.S. devait être « germanisé », non pas en assimilant les populations, mais en les expulsant massivement – par dizaines de millions – pour faire place à des colons.
À ce remodelage racial du continent, dont la réalisation fut confiée à Heinrich Himmler, les besoins de l'économie de guerre mirent bientôt un frein, comme le montra la suspension des transferts de populations entamés en Pologne. Il n'en alla pas de même pour les Juifs, dont la disparition par voie d'émigration forcée était bloquée par le conflit et que Hitler entreprit de faire disparaître par l'extermination, une politique contre laquelle aucun argument de nécessité économique ne fut autorisé à prévaloir. Près de six millions de Juifs, de l'Atlantique à l'Ukraine et de la Norvège aux îles grecques, furent victimes de l'antisémitisme obsessionnel qui animait le chef nazi et qui rencontrait autour de lui un écho suffisant pour que les bourreaux ne lui fassent pas défaut.
Avec la guerre, c'est la violence du régime en général qui prit son essor, en trouvant de multiples relais, y compris dans la Wehrmacht, qui prêta la main à l'exploitation économique des territoires occupés et à la répression des résistances, pour ne pas parler de la SS et de ses camps de concentration, bientôt peuplés de centaines de milliers de gens de toutes les nationalités, promis à l'extermination par le travail forcé.
Pendant ce temps, Hitler menait, replié dans son Q.G. de Rastenburg, une guerre dont tout indiquait de plus en plus clairement qu'elle était sans issue. À défaut de battre les Soviétiques, il plaça ses espoirs, après le tournant de Stalingrad au début de 1943, dans l'éclatement de l'alliance adverse et dans l'effet des « armes secrètes » – les bombes volantes et les fusées – qu'il faisait construire. Son pari qu'il réussirait à battre les Anglo-Saxons au moment de leur débarquement en France, en juin 1944, fut à son tour perdu. Cet échec précipita l'attentat du 20 juillet 1944, organisé par un groupe d'officiers et dont il sortit indemne. Vieilli, blanchi, courbé, le dictateur aux mains désormais tremblantes appliquait son exceptionnelle énergie à refuser de baisser les armes. À défaut de vaincre l'ennemi, il laisserait détruire son pays. Dans son jusqu'au-boutisme, il fut secondé par la combativité de ses soldats et la ténacité d'une population qui lui restait largement attachée, à la fois par nationalisme et par peur d'une victoire vengeresse des Soviétiques.[...]
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Écrit par
- Philippe BURRIN : professeur d'histoire à l'Institut de hautes études internationales, Genève (Suisse)
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