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HARNACK ADOLF VON (1851-1930)

Harnack a marqué de son empreinte toutes les recherches sur les origines chrétiennes à la fin du xixe et au début du xxe siècle. Ses œuvres ont été très diversement appréciées. Certains ont vu en lui le maître qui a donné du christianisme primitif une image définitive. Cependant, cette image a été contestée du vivant même de son auteur. D'autres, surtout parmi les catholiques, l'ont considéré comme l'ancêtre du modernisme. Et pourtant, c'est contre lui qu'a été rédigé l'ouvrage que l'on peut considérer comme le manifeste du modernisme français (L'Évangile et l'Église, d'Alfred Loisy). Pour juger équitablement l'œuvre de Harnack, on est obligé aujourd'hui d'en comparer les apports avec ceux des recherches plus récentes sur les origines chrétiennes.

L'essence du christianisme

Adolf von Harnack, né à Dorpat en Estonie, dans une famille luthérienne très traditionaliste, participa, dès l'âge de dix-neuf ans, à un concours sur Marcion, travail qui devait l'orienter pour toute sa vie. Sa dissertation doctorale à Leipzig en 1873 portait sur les sources du gnosticisme. Il commença alors une fulgurante carrière universitaire. À Leipzig, il entreprend, avec Th. Zahn et O. von Gebhardt, une édition des Pères apostoliques et collabore à la Realenzyklopädie et à l'Encyclopædia Britannica. À Giessen (1879-1886), il devient le codirecteur de la Theologische Literaturzeitung et fonde, avec von Gebhardt, les Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur. À Marbourg (1886-1888), il rédige les deux premiers volumes de sa Dogmengeschichte. Enfin, en 1888, il est nommé à Berlin, où se déroulera désormais sa vie. Il participe dès lors activement à la vie publique du protestantisme allemand, sans toutefois interrompre ses travaux scientifiques, au milieu desquels il trouve le temps de créer et de diriger la grande collection des Griechischen christlichen Schriftsteller der drei ersten Jahrhunderte. Il mourra à Heidelberg couvert de gloire et d'honneurs.

Sur le plan doctrinal, Harnack se situe parmi les adversaires de l'École de Tübingen et se rattache aux théories d'Albrecht Ritschl (1822-1889). D'une part, il insiste sur l'importance des témoignages historiques pour l'étude des origines chrétiennes, d'autre part, il considère que la foi chrétienne primitive s'exprime essentiellement en termes de « moralité ». Tout ce qui diverge de ce donné essentiel est une déviation, qui aboutit au dogme. Le dogme naît précisément quand on essaie de traduire le message évangélique en termes empruntés à des catégories de la philosophie grecque. Le dogme est donc une étape vers la constitution de la « religion », qui est liée à une certaine structure de pensée. L'Église chrétienne s'est peu à peu durcie, et c'est ainsi qu'elle est devenue « catholique ». En face de chacune des interprétations nouvelles qui surgissaient sur sa route, l'Église a gauchi le message primitif. En face de la gnose, fondée sur l'aspect pneumatique de la foi, elle a conçu son modèle de « succession apostolique ». En face de Marcion, elle a fixé le canon de ses textes sacrés. En face de Montan, elle a exagéré l'autorité de ses évêques. Finalement, le dogme, le culte et la hiérarchie apparaissent comme des éléments extrinsèques, élaborés en fonction des adversaires et qui constituent seulement l'enveloppe du christianisme, dont ils cachent la véritable essence.

Quelle est donc l'essence du christianisme ? Harnack en avait, dès le début de sa carrière, une notion très précise. Pourtant c'est seulement après de longues années de travail, au cours de l'hiver 1899-1900, qu'il donne à ses vues leur forme définitive, dans une série de seize conférences prononcées à l'Université de Berlin. Ces conférences[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Université libre de Bruxelles

Classification

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  • MODERNISME, catholicisme

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