WÖLFLI ADOLF (1864-1930)
Interné pour schizophrénie à l'âge de trente et un ans, Adolf Wölfli adopte spontanément un mode d'expression situé en dehors de toute production contemporaine ou filiation artistique, associant au dessin le récit en prose, la poésie et la musique. Né en 1864 à Bowil, en Suisse, dans une famille démunie qui compte sept enfants, orphelin à l'âge de huit ans, il travaille comme employé de ferme dans la région de Berne jusqu'à sa première condamnation pour attentat à la pudeur en 1890 et l'examen psychiatrique qui le conduit en 1895 à l'hôpital psychiatrique de la Waldau. C'est là qu'il passera les trente-cinq dernières années de sa vie. Si les recherches artistiques de Wölfli débutent en 1899, les premiers dessins conservés datent de 1904 et les écrits de 1908. En noir et blanc, puis en couleurs à partir de 1907, les trois mille dessins réalisés révèlent une calligraphie serrée et continue de laquelle émergent des motifs récurrents (lettres et chiffres, signes ornementaux et géométriques, mandalas, escargots, petits oiseaux, visages hiératiques, masques). Au-delà de l'imaginaire de l'artiste, les sources d'inspiration sensibles, et possibles, de l'œuvre semblent provenir de la culture populaire : vignettes de dictionnaires, imageries populaires et décors de mobilier paysan servent de modèles aux compositions ou sont intégrés aux dessins sous forme de collages (coupures publicitaires, images de mode). Constitué de vingt-cinq mille pages écrites entre 1908 et 1930, l'œuvre narrative débute avec la biographie imaginaire de l'artiste qui se divise en trois grands ensembles : les voyages de la famille Wölfli, les voyages d'exploration de la nature et les voyages cosmiques. L'écriture, intimement mêlée au dessin, crée un langage complexe et unifié (Du berceau au tombeau, 1908-1912). Des Morceaux de musique (1904-1906) à La Marche funèbre (1928-1930), dernier recueil conçu comme une grande composition musicale, la musique, autre source d'inspiration populaire, semble constituer la clé de voûte de l'œuvre, assurant sa cohérence et sa continuité. Véritable exutoire dans lequel l'artiste trouve refuge, l'œuvre, monumental, bénéficie de l'appui de Walter Morgenthaler, interne puis médecin à l'hôpital de 1907 à 1919, qui publie la première monographie consacrée à un patient désigné par son nom (Un aliéné artiste. La vie et l'œuvre d'Adolf Wölfli, 1921) et permet à l'artiste, ainsi connu, de vendre ses œuvres pour s'acheter du matériel à dessin. Wölfli meurt d'un cancer de l'intestin à l'hôpital psychiatrique de la Waldau en 1930. Sa vie et son œuvre fascinent les surréalistes – Breton le considérait comme l'un des trois ou quatre artistes les plus importants du xxe siècle – et Jean Dubuffet désigne son travail, qu'il découvre en 1945, comme l'expression la plus représentative de l'art brut ; il acquiert plusieurs dessins qui forment le point de départ de la collection de l'art brut qui se trouve aujourd'hui à Lausanne. Commissaire de la Documenta 5 de Kassel en 1972, Harald Szeemann présente une sélection de dessins de Wölfli ; la même année, la fondation Adolf Wölfli ouvre à Berne, et la collection de l'artiste est déposée au musée des Beaux-Arts de la ville.
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Écrit par
- Cécile GODEFROY : enseignante, chercheuse associée, historienne de l'art
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