BIOY CASARES ADOLFO (1914-1999)
Né à Buenos Aires, Adolfo Bioy Casares est un écrivain dont les rapports avec la littérature sont empreints d'une grande élégance non exempte d'érudition, d'ironie et d'humour. Jusque vers la fin des années trente, c'est pour lui une période d'apprentissage. Bioy Casares croit avec enthousiasme au « surréalisme et à un art non raisonnable ». Il est déjà fasciné par la complexité inépuisable et perverse du monde, tout en gardant avec lui une lucide distance ironique.
C'est vers 1935 qu'il rencontre Jorge Luis Borges à qui va le lier une profonde et féconde amitié, renforcée par leur collaboration à la revue Sur qu'anime Vittoria Ocampo (Bioy Casares est lui-même marié à l'écrivain Silvina Ocampo). S'il y a d'incontestables convergences thématiques et stylistiques entre les deux écrivains, chacun conserve son originalité, celle du paradoxe vertigineux pour Borges, celle de l'élan retenu vers le mystère pour Bioy Casares. Mais la grande complicité qui les unit leur a fait signer une Anthologie de la littérature fantastique (Antología de la literatura fantástica, 1940, en collaboration avec Silvina Ocampo, épouse de Bioy Casares), Les Meilleures Nouvelles policières (Los Mejores Cuentos policiales, 1943) et Poésie de gauchos (Poesía gauchesca, 1955). En outre, ils dirigeront tous deux une collection de romans policiers, « Le Septième Cercle » (« El Séptimo Círculo ») jusqu'en 1956. La complicité entre les deux écrivains les conduira à écrire ensemble, sous le pseudonyme commun de H. Bustos Domecq, les parodiques et humoristiques Six Problèmes pour don Isidro Parodi (Seis Problemas par don Isidro Parodi, 1942) et les Chroniques de Bustos Domecq (Crónicas de Bustos Domecq, 1967).
Le goût des genres fantastiques et policiers n'est pas innocent : on peut y voir l'un des éléments constitutifs du récit tel que le pratique Bioy Casares : l'obsession de la quête dans un monde où la réalité et l'irréalité interfèrent constamment. On n'en veut pour preuve que le premier grand roman de cet auteur, qui l'a consacré : L'Invention de Morel (La Invención de Morel, 1940), publié avec une Préface de Jorge Luis Borges, est une sorte d'allégorie fantastique où convergent les grands thèmes du genre. Il s'agit d'une histoire d'amour dans laquelle les habitants d'une île déserte entourée de marais putrides veulent échapper à la mort inéluctable en projetant dans l'espace leur propre image vivante, dépouillée des contingences corporelles, grâce à l'inouïe machine de Morel.
Il en va de même pour Plan d'évasion (Plan de evasión, 1945), vaste métaphore d'un monde clos, le nôtre, où sur une île-prison un gouverneur philanthrope entretient chez ses prisonniers l'illusion de la liberté. Le Songe des héros (El Sueño de los héroes, 1954) semble avoir plus de prise sur la réalité, celle des obscurs et dangereux faubourgs de Buenos Aires, où s'épanouit le courage brut des combats au couteau. Mais là encore, Bioy Casares réussit à élever au rang de mythe ce qui n'est au départ qu'un simple fait divers. Aux frontières de l'allégorie dramatique et du conte philosophique, un roman comme Journal de la guerre au cochon (Diario de la guerra del cerdo, 1969) met en scène un conflit des générations où, dans une guerre sans merci, les jeunes gens s'acharnent à éliminer physiquement et spirituellement les vieillards.
Bioy Casares est aussi un nouvelliste de première grandeur, avec une préférence très nette pour les récits qui côtoient ou investissent totalement le fantastique. Ainsi dans Nouvelles d'amour (choix de nouvelles tirées de Guirnalda con amores, 1959 ; El Lado de la sombra, 1962 ; El Gran Serafín, 1967), dans Nouvelles fantastiques (Historias fantásticas[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean ANDREU : professeur agrégé d'espagnol, maître assistant à l'université de Toulouse-Le-Mirail
Classification
Autres références
-
OCAMPO SILVINA (1903-1993)
- Écrit par Jean-Marie SAINT-LU
- 677 mots
Née à Buenos Aires en 1903, Silvina Ocampo attendit 1937 et la parution de son premier livre — un recueil de nouvelles intitulé Viaje olvidado — pour commencer à se faire un prénom : la renommée littéraire de la famille reposait en effet jusque-là sur son illustre sœur aînée Victoria, fondatrice...