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SUÁREZ ADOLFO (1932-2014)

L’homme de la transition

Sa nomination par le roi Juan Carlos Ier fut vivement critiquée : perçu comme un phalangiste de l’ancien régime, il n’était pas l’homme attendu pour mener le pays à la démocratie. Pourtant Suárez, loin d’être un idéologue, était un opportuniste doté d’une grande intuition politique et d’une réelle capacité d’adaptation et de dialogue. De père républicain et de mère catholique, il n’était ni phalangiste ni technocrate, mais un pragmatique modéré résolu à démocratiser l’Espagne.

Son premier discours, télévisé, rassura : « modération, concorde et conciliation » étaient mises au service de la « libre volonté de la majorité ». Une nouvelle génération, qui n’avait pas connu la guerre civile de 1936-1939, prenait le pouvoir, incarnée par le visage jeune et affable du président, et la réforme prit son envol.

Adolfo Suárez ouvrit le dialogue avec l’opposition antifranquiste et, dès le 30 juillet 1976, une amnistie permit aux prisonniers politiques de sortir des geôles de la dictature. Il négocia une réforme depuis l’intérieur du système, « de la loi à la loi », avec la vieille garde franquiste et réussit la prouesse de faire accepter par les Cortes leur propre dissolution. La loi pour la réforme politique, qui prévoyait des élections à un Parlement bicaméral, fut massivement approuvée par référendum le 15 décembre. Au printemps de 1977, le Mouvement national fut liquidé, la liberté syndicale approuvée et les partis politiques légalisés, y compris le Parti communiste, et le 15 juin se déroulèrent les premières élections libres depuis 1936. À la tête de l’Union du centre démocratique (U.C.D.), parti hybride de centre droit constitué pour l’occasion, Suárez fut le grand vainqueur du scrutin et fut confirmé à la tête du gouvernement.

Il se consacra alors à l’élaboration de la Constitution, négociée par consensus avec toutes les forces parlementaires et approuvée par référendum le 6 décembre 1978. Son aura fut confirmée par sa victoire aux élections de mars 1979, qui marquèrent son zénith politique.

S’ensuivirent deux années de crise auxquelles ne résista pas le leadership de Suárez : à la crise économique et sociale qui touchait le pays, à l’amplification du terrorisme basque de l’E.T.A. qui accentuait le risque putschiste s’ajoutait une crise de l’U.C.D. qui se déchirait et accumulait les échecs aux élections régionales face à la popularité croissante du Parti socialiste ouvrier espagnol et de son leader, Felipe González. Malgré trois remaniements successifs, Suárez, de plus en plus isolé dans son palais de la Moncloa, critiqué par tous y compris son propre parti, fut contraint de présenter sa démission au roi le 29 janvier 1981.

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Écrit par

  • : agrégée d'histoire, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Bourgogne

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Adolfo Suárez - crédits : Christine Spengler/ Sygma/ Getty Images

Adolfo Suárez

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