ADOLPHE, Benjamin Constant Fiche de lecture
Né à Lausanne, Benjamin Constant (1767-1830) est l'un des écrivains majeurs du romantisme européen qui, autrement que Goethe son presque contemporain, explora les subtilités de l'analyse psychologique en même temps qu'il espérait jouer un grand rôle politique. Si elle fut orageuse, sa liaison avec Madame de Staël, de 1794 à 1808, donna naissance à deux grands romans : Adolphe et Cécile (publié seulement en 1951). Le succès ne vint qu'avec la première de ces œuvres, tardivement donc ; il est vrai qu'Adolphe resta presque dix ans en chantier. L'œuvre enfin achevée est publiée à Londres et à Paris, en 1816. Ce roman personnel participe de la vie amoureuse de l'auteur qui prend appui sur un récit rétrospectif pour transposer dans la fiction ses amours avec Charlotte de Hardenberg, Madame de Staël et surtout celle d'Anna Lindsay.
Adolphe ou l'impossibilité d'aimer
Adolphe, au même titre que Les souffrances du jeune Werther (1774) de Goethe, est un chef-d'œuvre absolument romantique. Revue et corrigée avec maîtrise, l'autobiographie s'oriente vers ce que Barrès appelle la « volupté de surveiller ironiquement son âme si fine et misérable ».
Pour brouiller les pistes, Constant justifie l'existence même du roman dans un « avis » préalable où l'éditeur-auteur précise les conditions de sa rencontre avec un inconnu, Adolphe, dont il publie le manuscrit. Le lecteur découvre ainsi dans le narrateur un jeune homme timide et solitaire, Adolphe. Celui-ci, qui entretient avec son père des rapports médiocres, quitte Göttingen pour se rendre dans une autre ville allemande, où il se mêle aux courtisans d'une petite cour princière et se fait une réputation de « légèreté, de persiflage et de méchanceté ». Par besoin d'être aimé autant que par vanité, Adolphe s'éprend d'Ellénore, de dix ans son aînée.
Cet amour naissant est parachevé par l'union des amants mais leurs relations se dégradent vite : Ellénore, une fois conquise, n'est plus un but. « Ce n'étaient pas les regrets de l'amour, c'était un sentiment plus sombre et plus triste ; l'amour s'identifie tellement à l'objet aimé que dans son désespoir même il y a quelque charme... » Le père d'Adolphe lui ordonne par lettre de le rejoindre. Pour rester auprès d'Adolphe, Ellénore est prête à sacrifier tout à celui qu'elle aime : enfants, fortune, réputation. Mais le jeune homme, excédé par tant de passion, se détache d'elle et, s'aperçoit qu'il ne l'a jamais aimée. Habile à dissimuler la réalité de ses sentiments, il continue pourtant à torturer celle qui ne lui est plus rien. Après deux mois de séparation, Ellénore s'installe dans la même ville que son amant, mais le père d'Adolphe veut chasser l'importune. Les amants partent ensemble et se fixent à Caden, une ville de Bohème, où Adolphe rencontre un ami de son père, le baron de T., qui l'incite à quitter Ellénore. Après de nouveaux atermoiements, Adolphe annonce au baron son intention de rompre dans une lettre que ce dernier, quelques jours plus tard, fait parvenir à Ellénore. Totalement désespérée, celle-ci meurt. Loin d'être libéré, Adolphe mène une existence morne et plate, qu'annonçait une lettre d'Ellénore découverte après sa mort. En guise d'épilogue, un correspondant anonyme adresse à l'éditeur une lettre explicative où il l'incite à publier le présent manuscrit, sans oublier d'excuser « l'auteur et le héros » : « L'exemple d'Adolphe ne sera pas moins instructif, si vous ajoutez qu'après avoir repoussé l'être qu'il aimait, il n'a pas été moins inquiet, moins agité, moins mécontent ; qu'il n'a fait aucun usage d'une liberté reconquise au prix de tant de douleurs et de tant de larmes ; et qu'en se rendant bien digne de blâme, il s'est aussi rendu digne de[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Claude-Henry du BORD
: professeur d'histoire de la philosophie, critique littéraire à
Études , poète et traducteur
Classification
Autres références
-
CONSTANT BENJAMIN (1767-1830)
- Écrit par Étienne HOFMANN
- 2 073 mots
- 1 média
...l' autobiographie, une profonde angoisse. Ces écrits, connus au xxe siècle seulement, font de Constant un maître de l'analyse psychologique. Adolphe, reconnu de nos jours comme l'un des chefs-d'œuvre de la littérature, met en scène un jeune homme incapable de rompre une liaison sentimentale...