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CASSANDRE ADOLPHE JEAN-MARIE MOURON dit (1901-1968)

L'abandon de l'affiche

En janvier 1936, le Museum of Modern Art de New York organise une rétrospective de ses affiches. Le magazine Harper's Bazaar lui commande la plupart de ses couvertures jusqu'en 1940. La Container Corporation of America (C.C.A.) fait appel à lui pour ses célèbres annonces. Mais son retour à la peinture, nettement marqué par le surréalisme tardif, influence alors fortement son art de l'affiche, qui se déploie dans l'onirisme et la théâtralité, et ses nouvelles réalisations, pour Ford notamment, déconcertent le public américain.

Cependant, à Paris, la fonderie Deberny & Peignot ne ménage pas son soutien à l'aboutissement de ses recherches, débutées avec le Bifur, en 1929, pour la conception d'une « nouvelle écriture », incarnant le siècle. À partir du postulat selon lequel « la minuscule n'est qu'une déformation manuelle de la lettre monumentale », Cassandre propose un type fondé sur le tracé de la lettre majuscule, destiné à la publicité comme au livre, auquel il donne le nom de Peignot. Publié à l'occasion de l'exposition internationale de 1937, le Peignot fait l'objet d'un vaste lancement, mais subit un échec commercial. Cassandre en est profondément affecté et, après un second séjour aux États-Unis, en 1938, il délaisse le graphisme et la typographie au profit de ses travaux de décorateur de théâtre et de sa peinture.

Se refusant à livrer des affiches durant l'occupation, il réalise des décors pour l'Opéra de Paris et la Comédie des Champs-Élysées, et expose ses peintures à la galerie Drouin (1942). À la Libération, il poursuit son œuvre de décorateur, notamment pour la Comédie-Française (Monsieur de Pourceaugnac de Molière, 1948) et le festival d'Aix-en-Provence (Don Giovanni de Mozart, 1949).

La rupture de Cassandre avec l'art de l'affiche marque une génération dont il demeure le modèle. D'autant que ses propos sont amers lorsqu'il s'en explique, en 1947, dans un numéro de la revue Art Présent : « J'avais cru autrefois sentir une vie intense dans la publicité et qu'elle permettrait une intervention constante dans le déroulement des jours et de la société [...]. Malheureusement je me suis rendu compte peu à peu qu'elle était en fait uniquement dominée par des intérêts particuliers et qu'elle s'opposait à tout instant à la question de la propagande. »

Il dessine une dernière affiche pour Perrier, à l'opposé des « affiches magnifiques [et] terriblement rigoureuses... » – comme les définissaient Bernard Villemot – qui firent sa renommée.

Dans les années 1950-1960, toutefois, Cassandre continue de pratiquer les arts graphiques. Il entreprend pour Olivetti la réalisation d'alphabets pour machine à écrire. Il réalise une importante série de compositions typographiques pour les pochettes de disques Columbia et conçoit le logotype et le monogramme d'Yves Saint Laurent. Il créée un alphabet, le Cassandre, dont seule une version signalétique est mise en œuvre pour la station de sports d'hiver de Flaine. L'absence de reconnaissance de son œuvre picturale l'avait déjà plongé dans une grave dépression. L'échec de la publication de cet ultime projet typographique, une de ses recherches les plus abouties à ses yeux, aggrave son état. Il se donne la mort à Paris, le 17 juin 1968.

— Michel WLASSIKOFF

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  • : historien du graphisme et de la typographie, diplômé en histoire de l'École des hautes études en sciences sociales, Paris

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