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LANDRY ADOLPHE (1874-1956)

Le renouveau du socialisme en France souhaité par Jean Jaurès (qui trouvait trop étatiste le socialisme allemand incarné par Marx et Engels) devait, selon le fondateur de L'Humanité, s'accorder avec le tempérament individualiste des Français. Adolphe Landry fait partie avec Charles Andler de cette génération d'hommes qui ont entendu le message jauressien. Ils imaginent un socialisme « à la française » qui pourrait épouser les contours d'une mentalité de type latin. Dans son enseignement (notamment à l'École pratique des hautes études) comme dans son action politique (il fut ministre de la Marine, ministre de l'Instruction publique, ministre du Travail), Landry s'efforce d'analyser la réalité capitaliste avec nuance et finesse, et il propose de substituer au capitalisme un système socialiste qui emprunterait beaucoup à l'expérience.

En présentant sa thèse de lettres en 1901, Adolphe Landry se singularise en affirmant tenir l'œuvre de Marx comme un acquis important mais susceptible de corrections et d'améliorations. Sa thèse De l'utilité sociale de la propriété privée témoigne de son désir d'adapter le socialisme au pays du Code Napoléon. Pour Landry, le capitalisme se condamne par sa quête obsessionnelle du profit. Il en vient à des pratiques malthusiennes et monopolistes. À partir de cette réflexion, Landry apparaît peu à peu comme un partisan de l'économie pure, et il se trouve fréquemment en porte à faux avec les socialistes de stricte obédience marxiste. Il s'intéresse au marginalisme, ce qui ne l'empêche pas de se démarquer de certains auteurs de cette école de pensée, qui ne craignaient pas d'apparenter marginalisme et libéralisme. Dans deux de ses ouvrages (L'Intérêt du capital, 1904 ; Manuel d'économique, 1908), Landry tente de concilier ses idéaux socialistes et l'attrait qu'exerce sur lui le marginalisme. Il explique ainsi que l'intérêt en régime socialiste pourrait être très élevé, mais beaucoup plus sélectif que dans le système capitaliste, en fondant sa démonstration sur le calcul à la marge. Cet effort de conciliation, Landry ne pourra pas le poursuivre. L'un de ses contemporains, André Aftalion, en se dégageant de l'étiquette socialiste réussira à proposer une synthèse entre réformisme et marginalisme. Aussi, tout en continuant à nourrir pour l'économie une intense passion (en collaborant notamment à la Revue d'économie politique), Adolphe Landry va consacrer la plus grande partie de son temps à la démographie. Son ouvrage La Révolution démographique (Paris, 1934) s'attache à l'étude historique de cette discipline ; Landry fut du reste un des promoteurs d'une politique de la famille et lutta contre la dénatalité. Sa démarche intellectuelle peut être rapprochée de celle de l'économiste autrichien Schumpeter (au moins dans l'analyse du capitalisme). En dépit de ses difficultés pour résoudre les incompatibilités existant entre ses convictions politiques et son choix en matière de théorie économique, il a influencé certains hommes qui, dans l'entre-deux-guerres, ont eu dans leur jeunesse les mêmes problèmes que lui. Au nombre de ceux-ci, on peut citer André Philip, Alfred Sauvy, Robert Marjolin.

— Alain-Pierre RODET

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Écrit par

  • : diplômé de l'Institut d'études politiques de Grenoble, journaliste

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    En 1934, peu d'années après la jonction entre le modèle de Lotka et la technique des projections de population, le démographe français, Adolphe Landry, a proposé d'interpréter l'évolution de toutes les populations selon le schéma d'une « révolution démographique ». À partir d'un ancien régime caractérisé...