ADONIS, mythologie
Smyrna (Myrrha) ayant conçu par tromperie Adonis (Adônis) de son père Théias, roi de Syrie, les dieux la font échapper à la colère paternelle en la changeant en arbuste. Adonis est recueilli par Aphrodite (la phénicienne Ashtart, Astarté), mais il est élevé par Perséphone. Il est blessé mortellement par un sanglier suscité par la colère ou la jalousie d'Artémis. Sa mort tragique qui l'enlève à l'amour de sa maîtresse, Aphrodite, invite encore à la compassion ; les affinités qu'il semble offrir avec le monde végétal entier suggèrent toujours de voir dans ce bel adolescent, venu d'Orient, un de ces esprits de la végétation, inventés au xixe siècle, par Mannhardt et Frazer. Cependant, le mythe d'Adonis et de Myrrha est d'abord une histoire de séduction et le rituel des adonies met en scène un jardinage dérisoire dont les produits sont nettement marqués par la stérilité. Dans le mythe, la séduction est double : celle qu'une fille, Myrrha, exerce sur son père, en châtiment du mépris qu'elle a montré à l'égard d'Aphrodite et du mariage ; celle aussi qu'exerce dès son apparition le fils de Myrrha, né d'une mère transformée en arbre à myrrhe. La beauté d'Adonis attire deux puissances divines, l'une d'en haut, Aphrodite, et l'autre d'en bas, Perséphone. Séduction qu'explique sa nature aromatique. Dans une pensée qui définit l'agriculture comme une coction naturelle, les différents produits végétaux sont répartis entre deux termes extrêmes, définis par rapport au feu solaire : d'un côté, l'herbe, crue, froide et humide, confinant au pourri ; de l'autre, les aromates, produits secs, chauds, ignés même, car contigus au feu solaire. La myrrhe, comme l'encens, se récolte au lever héliaque de la constellation du Chien, pendant la canicule, quand la Terre et le Soleil sont le plus proches l'un de l'autre. Sous forme d'onguents ou de parfums, les aromates ont pour les Grecs, dans leurs pratiques amoureuses, des vertus aphrodisiaques qui permettent de changer les relations conjugales pour instituer des rapports d'amant et de maîtresse entre des partenaires normalement disjoints.
La fête d'Adonis, qui est affaire de femmes et de caractère privé, est célébrée principalement par des courtisanes ou des femmes qui y retrouvent leurs amants. Elle forme un contraste violent avec l'autre fête de femmes que connaît toute cité grecque : les thesmophories, réservées aux épouses légitimes des citoyens et placées sous le patronage de Déméter, puissance des nourritures céréalières qui sont au centre de cette fête des semailles, célébrée à l'automne. Les jardins cultivés en l'honneur d'Adonis sont, pour toute la tradition grecque, des cultures sans fruits, stériles, qui n'arrivent pas à maturité : jardinage de fête et de plaisir dont les semences faibles ne donnent aucun fruit ; cultures illusoires et frivoles que les femmes transportent sur les toits des maisons pour les exposer à l'éclat du soleil et les faire passer en quelques jours du vert au desséché ; cultures ensuite jetées dans l'eau froide des sources ou expulsées dans la mer. Ainsi meurt Adonis, chasseur chassé par un sanglier, amant efféminé, condamné à périr dans un champ de laitue, plante froide et humide, « manger de cadavres », disent les Grecs, et plante qui détourne des rapports amoureux et condamne à l'impuissance.
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Écrit par
- Marcel DETIENNE : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
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