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AUZOUT ADRIEN (1622-1691)

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L'œuvre d'Auzout ne peut être pleinement appréciée que lorsqu'on a compris le problème posé par la découverte de la lunette astronomique. Dès la fin du xvie siècle, Tycho Brahe avait établi des normes de précision pour les observations faites à l'œil nu au moyen de pinnules. Lorsqu'en 1610 Galilée eut, grâce à sa lunette astronomique, publié Le Message céleste (Sidereus Nuncius) (la Lune a des montagnes, Vénus a des phases...), créant l'astronomie physique en détruisant la vieille idée des Anciens que les cieux n'étaient pas soumis aux lois terrestres, les astronomes tentèrent de fixer la lunette sur l'alidade de leurs instruments et ainsi de l'adapter à une fin de précision. Ils espéraient, par ce moyen, réussir de nouvelles observations – par exemple, la mesure de la grandeur apparente d'une planète – qui puissent prouver la véracité du système copernicien. Leurs efforts se soldèrent par un échec puisque la lunette galiléenne, faite d'un objectif plan-convexe et d'un oculaire plan-concave, manquait d'un foyer intérieur où l'on puisse disposer un croisillon – ou réticule – et, en conséquence, ne pouvait servir à repérer un point fixe.

Un jeune Anglais, William Gascoigne, et un Hollandais, Christiaan Huygens, résolurent le problème. Le premier, cherchant à utiliser différents systèmes de lentilles, construisit une lunette astronomique sans tube, en fixant l'objectif près d'une fenêtre et en utilisant un oculaire mobile. Il ne put véritablement commencer à travailler dans la bonne voie que lorsqu'il eut l'idée d'utiliser un oculaire et un objectif convexes. Ce système, appelé lunette képlérienne, possédait, comme il allait le découvrir, un foyer intérieur. En effet, en 1640, distinguant très clairement à travers l'oculaire une toile d'araignée qui se trouvait par hasard entre les deux lentilles convexes, il imagina de la remplacer par un réticule. Il chercha à généraliser sa découverte et réalisa, le premier, une lunette munie d'un réticule et un micromètre astronomique dont le principe, rappelons-le, consiste à placer au foyer de la lunette une échelle, c'est-à-dire un système de mesure. Une lunette munie d'un réticule peut remplacer les pinnules et améliore ainsi la visée d'un objet. On appelle souvent une telle lunette « appareil de visée optique ». Ces inventions, qui devançaient le niveau scientifique de l'époque, demeurèrent longtemps inconnues. Gascoigne, qui avait travaillé dans l'isolement du nord de l'Angleterre, fut tué sur le champ de bataille au cours de la révolution puritaine en 1644. Huygens allait faire la même découverte un peu plus tard. Alors qu'entre 1653 et 1657 il essayait de corriger l'aberration chromatique d'une lunette képlérienne, il découvrit que les diaphragmes qu'il avait introduits à l'intérieur de la lunette pour réduire la dispersion des couleurs apparaissaient avec des bords internes très nets lorsqu'ils étaient appliqués à un certain endroit – le foyer dans la terminologie moderne. Il eut l'idée d'y introduire une baguette d'une largeur variable servant à mesurer le diamètre apparent d'un corps céleste. C'est ainsi qu'il fut amené en 1659 à réaliser, lui aussi, un micromètre astronomique.

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Associant à celle de Huygens l'idée du savant Eustachio Divini, qui avait posé une grille devant l'oculaire de sa lunette pour aider à tracer une carte de la Lune, Cornelio Malvasia et Geminiano Montanari construisirent un micromètre ayant pour repère une grille. La précision du treillis s'avérant insuffisante car les images ne couvraient jamais un nombre entier de carrés, Auzout et Jean Picard le modifièrent, et lui donnèrent la forme définitive du micromètre (malgré ses affirmations, Pierre Petit ne les avait pas devancés). Ils substituèrent au treillis des fils parallèles séparés par une distance variable, un fil étant attaché à un châssis mobile qu'on déplaçait, d'abord à la main, plus tard au moyen d'une vis. L'été de 1666 marque la mise en pratique de ce micromètre.

La découverte par Huygens du foyer de la lunette servit aussi de point de départ à la réalisation des appareils de visée optique. Divini, le premier, puis Robert Hooke remplacèrent en effet les pinnules par une lunette munie d'un croisillon et posée sur l'alidade. Pendant les années 1667-1671, Auzout, Picard et Gilles Personne de Roberval développèrent l'emploi systématique de ce nouveau procédé, qui ne trouva de justification, au cours de ces années, que lorsqu'ils eurent compris que l'image de l'objet visé se superposait au croisillon posé au foyer. Initialement, Auzout croyait qu'il fallait poser chaque fil du croisillon dans un plan différent, comme il le faisait avec les pinnules afin d'assurer une ligne de visée.

Un passage des Principia de Newton (Livre III, proposition XIX) permet d'évaluer le rôle que les nouveaux instruments astronomiques jouèrent dans l'élaboration de l'astronomie théorique. Le savant anglais montrait en effet que les observations des diamètres apparents de Jupiter effectuées au moyen du micromètre confirmaient les calculs qu'il avait faits de l'aplatissement des pôles de la planète dû à la force centrifuge. Il est bien évident que Newton n'aurait pas pu procéder à cette vérification sans la lunette astronomique et sans le micromètre.

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La fondation de l'Académie des sciences se trouve liée à l'évolution des instruments astronomiques. La construction et l'installation d'instruments modernes étant très onéreuses, Auzout, représentant de la Compagnie des sciences et des arts, adressa à Louis XIV une supplique aux fins de fonder une académie des sciences et de faire construire un observatoire qui serait doté des instruments scientifiques les plus modernes.

Nommé membre de l'Académie royale des sciences et de l'Observatoire de Paris dès leur fondation (respectivement en 1666 et en 1667), Auzout rompit malheureusement ses liens avec l'Académie lorsqu'il quitta Paris pour l'Italie en 1668. Passionné d'antiquités romaines, il demeura dans la Ville éternelle jusqu'à sa mort, excepté pendant les années 1676-1685. Il n'abandonna pas toutefois ses activités scientifiques, gardant des liens épistolaires avec la Royal Society et s'associant aux activités des savants italiens. Leibniz, qui mettait en ordre ses idées sur la dynamique à la suite d'une discussion avec lui en 1689, le qualifie de eruditissimo Gallo. Auzout n'a malheureusement pas transmis à la postérité une œuvre à la hauteur de ses talents. Doit-on en incriminer sa paresse ou le fait qu'un enseignement oral laisse toujours l'historien insatisfait ?

— Robert M. MCKEON

Bibliographie

H. Brown, Scientific Organizations in Seventeenth Century France (1620-1680), The Williams & Wilkins Co., Baltimore, 1934 ; Russell & Russell, New York, 1967

R. A. Hatch, « Adrien Auzout », in W. Applebaum dir., Encyclopaedia of the Scientific Revolution from Copernicus to Newton, Garland, New York, 2000

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C. Irson, Nouvelle Méthode pour apprendre facilement les principes et la pureté de la langue française, Paris, 1660

R. M. McKeon, Établissement de l'astronomie de précision et œuvre d'Adrien Auzout, Thèse, Sorbonne, Paris, 1965 ; « Le Récit d'Auzout au sujet des expériences sur le vide », in Actes du XIe congrès international d'histoire des sciences (Varsovie, Toruń, Kielce, Cracovie, 1965), t. III, Ossolineum, Wrocław, Varsovie, Cracovie, 1968 ; « Les Débuts de l'astronomie de précision », in Physis, vol. XIII, p. 225, 1971, et vol. XIV, p. 221, 1972 ; « Auzout, Adrien », in C. C. Gillispie dir., Dictionary of Scientific Biography, vol. I, Charles Scribner's Sons, New York, 1981 ; « La Contribution de Picard au développement des instruments astronomiques de précision », in Jean Picard et les débuts de l'astronomie de précision au XVIIe siècle, Actes du colloque du tricentenaire, C.N.R.S., Paris, 1987

C. A. Wood, « Auzout : a Minor Crater and Some Big Ideas », in Sky and Telescop, vol. 107, pp. 118-119, 2004

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Écrit par

  • : docteur en histoire, master of science, California Institute of Technology, assistant professor au Babson College, Massachusetts, États-Unis

Classification

Autres références

  • FONDATION DE L'OBSERVATOIRE DE PARIS

    • Écrit par
    • 341 mots

    Résolus à s'organiser sur le modèle des académies européennes, des savants français élaborent en 1665 le projet d'une Compagnie des sciences et des arts. L'un d'entre eux, Adrien Auzout, expose dans une épître à Louis XIV la nécessité d'un observatoire astronomique :...

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