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AÉRODYNAMIQUE

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Les méthodes numériques

Le développement considérable des moyens de calcul, accompagné par des recherches intenses sur les modélisations numériques, a conduit à l'émergence d'une discipline identifiée par le sigle CFD pour Computational Fluid Dynamics, dont l'objectif est de proposer aux ingénieurs des méthodes de simulation numérique précises, robustes et efficaces s'appliquant à des configurations aussi complexes qu'un avion en phase d'atterrissage volets déployés.

Les opérateurs de l'analyse fonctionnelle ne pouvant être traduits directement par un langage de programmation, il est nécessaire de les approcher par des expressions ne faisant intervenir que des opérations algébriques. Cette discrétisation porte sur les équations utilisées et sur le domaine de calcul via un maillage. La construction du maillage est une opération qui conditionne la qualité de la solution numérique obtenue. Le maillage est un assemblage d'éléments géométriques élémentaires (hexaèdres, tétraèdres...), qui constitue un pavage du domaine de calcul. On distingue deux grandes catégories de maillage (fig. 8) : les maillages structurés et les maillages non structurés. Les premiers sont construits à partir de trois familles de surfaces, sensiblement orthogonales, délimitant des volumes élémentaires de forme hexaédrique. Si chaque surface appartenant à l'une des trois familles est repérée par un indice, un volume élémentaire est alors simplement identifié par un triplet d'indices {i,j,k}. Les schémas de discrétisation des équations reposant sur une évaluation numérique des flux sur l'interface qui sépare le volume élémentaire considéré du volume adjacent, il est nécessaire de disposer d'une „connectivité“ permettant d'associer chaque volume élémentaire à ses volumes adjacents. L'avantage des maillages structurés est que cette connectivité est particulièrement simple et peu coûteuse en temps de calcul puisque les indices repérant les six volumes adjacents sont obtenus en ajoutant et en retranchant l'unité à chacun des indices du triplet {i,j,k}. Les schémas de discrétisation et les algorithmes de résolution associés aux maillages structurés sont donc également d'une mise en œuvre simple et peu coûteuse. En revanche, un maillage structuré étant topologiquement équivalent au maillage d'un cube, on conçoit que ce type de maillage ne permet pas de discrétiser de façon régulière un domaine de calcul de forme géométrique complexe. Les maillages multiblocs permettent de pallier cette difficulté en décomposant le domaine de calcul en un ensemble de blocs dans chacun desquels on peut alors construire un maillage structuré régulier. La contrepartie de cette décomposition réside dans la nécessité de raccorder les solutions numériques calculées dans chacun des blocs.

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Les maillages non structurés sont le plus souvent constitués d'un assemblage de volumes élémentaires tétraédriques qui ne présentent pas de limitation liée à la complexité géométrique du domaine de calcul. La construction d'un maillage non structuré est en quelque sorte la transposition aux trois dimensions des méthodes de triangulation d'une surface à deux dimensions. En revanche, la simplicité de la connectivité est perdue, ce qui, pour la mise œuvre des schémas de discrétisation et des algorithmes de résolution, entraîne des conséquences opposées à celles mises en avant pour les maillages structurés.

Pour obtenir une solution numérique précise ne conduisant pas à des calcul trop importants, il faut que les dimensions des volumes élémentaires soient adaptées aux variations de l'écoulement : ces dimensions seront plus petites dans les zones à fortes variations que dans celles où elles sont modérées. Ainsi, pour obtenir une bonne estimation du frottement à la paroi, il est nécessaire de décrire finement la couche limite ce qui conduit près de la paroi à des volumes de contrôle de l'ordre du micromètre pour une aile dont la corde est de l'ordre du mètre. Cette adaptation peut être réalisée au moment de la construction du maillage, ce qui suppose d'avoir une idée assez précise de la solution attendue. À défaut, il est avantageux d'utiliser une méthode d'adaptation automatique qui ajuste l'échelle 'du maillage à celle du phénomène physique à représenter. Concernant la précision, il faut également mentionner un point particulièrement important qui résulte de l'analyse de l'erreur inhérente au passage du problème continu )au problème discret . On met ainsi en évidence l'ordre de précision α du schéma qui indique comment cette erreur évolue avec l'échelle du maillage h et qui caractérise l'amplitude de l'erreur : l'erreur est divisée par 2α lorsque h est divisée par deux. De plus, on peut caractériser cette erreur par ses caractères diffusifs ou dispersifs : le caractère diffusif (ou anti-diffusif) de l'erreur a pour effet d'augmenter (ou de diminuer) l'amplitude des extremums de la solution numérique ; le caractère dispersif a pour effet de modifier la phase de chaque harmonique de la solution numérique et, par conséquent, de modifier les vitesses de propagation des différentes ondes. Une erreur anti-diffusive conduit en général à un schéma d'intégration en temps instable alors qu'une erreur diffusive produit un effet non physique très semblable à celui qui est produit par la diffusion physique. Pour la simulation des écoulements visqueux à grand nombre de Reynolds, il faut donc être en mesure de contrôler cette diffusion numérique parasite pour qu'elle soit très notablement inférieure à la diffusion physique.'

Grâce à l'évolution de l'informatique, l'aérodynamique numérique a atteint aujourd'hui un stade suffisamment avancé pour que l'ingénieur aérodynamicien la considère, avec confiance, comme un moyen d'appréhender la réalité physique au même titre que les mesures acquises au cours d'essais en vol ou, plus fréquemment, en soufflerie. Cette avancée du modèle théorique a été accompagnée par une autre presque aussi spectaculaire dans le domaine expérimental, le développement, grâce aux sources laser, d'un ensemble de moyens optiques permettant d'explorer des écoulements complexes qui échappaient jusqu'alors à toute investigation. Il est remarquable que le progrès des méthodes de calcul ait été accompagné d'une percée des moyens expérimentaux permettant une évaluation de leur validité au niveau de la physique intime des écoulements.

— Bruno CHANETZ

— Jean DÉLERY

— Jean-Pierre VEUILLOT

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Écrit par

  • : professeur associé à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
  • : directeur de recherche émérite à l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (O.N.E.R.A.)
  • : chef d'unité de recherche à l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (O.N.E.R.A.)

Médias

Aérodynamique: simulation numérique sur un avion Falcon - crédits : ONERA

Aérodynamique: simulation numérique sur un avion Falcon

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