AÉRONAUTIQUE CIVILE (INDUSTRIE)
Le défi monétaire
Dans un tel contexte de mondialisation, la parité euro/dollar devient un élément essentiel dans la compétition entre Airbus et Boeing. Pour en mesurer les effets, il faut revenir aux fondements de la monnaie – moyen de valorisation et intermédiaire d'échange – et comparer les coûts unitaires moyens du personnel pour Airbus et Boeing : leur égalité correspond à la parité 1 euro = 1 dollar pour la période 1990-2005 et à 1 euro = 1,15 dollar en 2009 ; tout écart par rapport à ce taux TE, dit économique, entraîne une distorsion de compétitivité. La figure 5 présente les évolutions du taux TE par rapport au taux réel TR : lorsque TR est plus élevé que TE, les salaires européens sont augmentés d'autant par rapport à ceux du concurrent américain et conduisent ainsi à une compétitivité défavorable.
Comment protéger l'industrie européenne ? Une première approche consiste, lorsque le cours du dollar est favorable, c'est-à-dire fort, à engranger des réserves sous la forme de couvertures de change et à utiliser celles-ci en période de parité adverse ; si ces mesures s'avèrent insuffisantes, il ne reste alors que la solution du transfert d'activités vers des pays à monnaies moins pénalisantes (délocalisations).
De cet état des lieux, quelles perspectives peut-on retenir pour l'avenir de la construction aéronautique civile ? En dépit des incertitudes qui demeurent attachées à toute projection à long terme, trois traits marquent les perspectives attendues :
– une tendance générale favorable devrait prolonger la situation actuelle avec une croissance notable, la poursuite du duopole Airbus-Boeing et une continuité dans les produits ;
– quelques inquiétudes se manifestent sur les perspectives du trafic aérien en raison du caractère fini du monde, de l'émergence d'une crise économique, d'un environnement écologique contraignant et de la raréfaction du pétrole ;
– la pérennité de l'industrie européenne, bien assise aujourd'hui, pourrait être remise en cause à moyen terme par les conséquences d'une situation monétaire défavorable et par une concrétisation des ambitions chinoises.
Faut-il en effet craindre une entrée de l'industrie chinoise sur le marché ? Le fort avantage de compétitivité de l'industrie chinoise due à la faiblesse du yuan et au faible coût de la main-d'œuvre peut permettre à long terme l'arrivée de ce pays sur le marché, car, au-delà de cet avantage salarial, l'industrie chinoise bénéficie d'autres atouts : vaste marché intérieur, acquisition de savoir-faire et fort soutien politique. Qu'adviendra-t-il alors d'Airbus dans un marché qui ne peut assurer une pérennité qu'à deux constructeurs ?
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Écrit par
- Georges VILLE : membre et ancien président de l'Académie de l'air et de l'espace
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