BRETAGNE AFFAIRE DE (1764-1771)
Conflit qui opposa, sous le règne de Louis XV, le procureur général du parlement de Rennes, La Chalotais, au duc d'Aiguillon, commandant en chef de la province de Bretagne par commission royale.
Depuis le début de la guerre de Sept Ans, le parlement de Bretagne soutenait une guerre d'escarmouches contre l'enregistrement d'impôts destinés à financer la guerre. Sur cette opposition entre cour souveraine et pouvoir royal s'était greffée une querelle personnelle entre La Chalotais et d'Aiguillon, ce dernier s'étant opposé à ce que la survivance de la charge de procureur passât au fils de La Chalotais, l'en estimant incapable. En 1764, sur requête des états de la province, le parlement refuse la levée de centimes additionnels (impôts indirects) et, le Conseil du roi ayant cassé son arrêt, il arrête son fonctionnement et démissionne. En même temps, le roi reçoit des lettres anonymes pleines de menaces et d'injures ; des experts reconnaissent l'écriture de La Chalotais, qui est arrêté et incarcéré avec son fils. Avec quelques magistrats restés fidèles et des maîtres des requêtes envoyés sur place, on reconstitue un parlement pour expédier les affaires courantes et juger La Chalotais. Mais ni ce parlement, appelé par dérision « bailliage d'Aiguillon », ni aucun des parlements de France, par solidarité de corps, ne veut connaître de l'affaire. Pour apaiser l'opinion publique, ameutée par les cours, Louis XV rappelle le duc d'Aiguillon et rétablit dans ses prérogatives l'ancien parlement de Rennes en 1769. L'affaire aurait pu en rester là si les parlementaires ulcérés n'avaient décidé de se venger sur la personne du lieutenant de Bretagne. Ils inculpent le duc d'Aiguillon d'abus de pouvoir, de dilapidation des fonds publics, de corruption de témoins. Le duc demande à comparaître devant le parlement de Paris. La Chalotais et d'Aiguillon désirent également la poursuite de la procédure ; le premier pour prouver qu'il est victime d'une machination montée par le duc, le second pour se laver des soupçons qui pèsent sur lui. Mais le roi ne veut pas de ce procès et, par deux fois, il éteint la procédure par lettres patentes. Le duc d'Aiguillon était en effet son agent direct, commissionné par lui en son Conseil ; ce serait donc le procès du pouvoir royal mené par les parlements, qui se prétendent les seuls médiateurs entre le roi et le peuple. En 1770, tous les parlements se solidarisent pour déclarer nulles les lettres patentes royales et exclure le duc de la pairie ; à leur tour, les princes du sang se solidarisent avec les parlements, trop heureux de cette nouvelle occasion de saper l'absolutisme. Louis XV ne pouvait plus recourir qu'à une solution de force. À la fin de 1770, il renvoie Choiseul, qui avait toujours pris le parti des magistrats. Au mois de janvier de l'année suivante, le parlement refuse à nouveau de siéger. Par l'entremise du chancelier Maupeou, le roi fait sommer les parlementaires de rentrer dans l'obéissance. En grande majorité, ceux-ci refusent ; ils sont déchus de leur charge et exilés. C'est la mise en place de la fameuse réforme Maupeou et, après une véritable fronde à travers le royaume, la fin de la rébellion parlementaire. Cette accalmie va durer jusqu'à l'avènement de Louis XVI, qui, n'ayant compris ni le sens de cette réforme ni la nécessité de l'autorité, s'empressera de rappeler les parlementaires.
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