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POISONS AFFAIRE DES

Le 25 mars 1675, dans un couvent de Liège occupé par les troupes françaises, la marquise de Brinvilliers est arrêtée ; elle était recherchée, avec plus ou moins de zèle, depuis 1672. Cette année-là mourait à Paris un jeune officier, Godin de Sainte-Croix ; comme il était poursuivi pour dettes, la police inventorie ses affaires et découvre une cassette pleine de documents. Ceux-ci révèlent la liaison de l'officier avec la marquise, mais surtout une série d'empoisonnements perpétrés par le couple sur le père et sur les deux frères de la marquise afin de s'approprier le patrimoine, l'époux de la marquise n'ayant échappé au même sort que grâce aux infinies précautions qu'il prend. Entre les mains de Sainte-Croix, ces papiers, pour la plupart des lettres de la main même de la marquise, constituaient une arme redoutable. La cassette renferme également des fioles d'un poison à base d'arsenic auquel se mêlent, l'inculpée l'avouera plus tard, divers ingrédients tels que la bave de crapaud. La préparation va devenir célèbre sous le nom de poudre de succession.

Fille d'un conseiller d'État, la marquise de Brinvilliers appartient par la naissance comme par le mariage à la noblesse ; le scandale est énorme et l'opinion parisienne se passionne pour ce procès qui s'ouvre devant la Grand'chambre du parlement. Quoiqu'on ait retrouvé sur elle une confession complète de ses crimes, la marquise n'avouera que quelques jours avant son exécution. À partir de ces aveux, la Reynie, lieutenant de police de Paris, remonte les filières et reconstitue un véritable réseau du crime ; de nombreux milieux sont compromis et il est clair que des milliers de gens ont recours aux philtres, maléfices, messes noires, que l'avortement et l'usage de la « poudre de succession » sont pratiques fréquentes. En 1679, devant l'ampleur de l'instruction, une chambre ardente est instituée et ne sera dissoute qu'en 1682 ; on la nomme « cour des poisons ». La principale inculpée est Catherine Deshayes dite la Voisin, une sorte de sorcière fort connue dans la capitale et qui semble avoir fourni en poisons et sortilèges les plus hauts personnages de la Cour et de la ville. On y retrouve parmi les suspects les noms des deux nièces de Mazarin, la comtesse de Soissons et la duchesse de Bouillon, du maréchal de Luxembourg, des comtesses de Polignac et de Gramont et jusqu'à celui de Racine. Le supplice de la Voisin en 1680 n'arrête pas l'affaire. Rien ne semble pouvoir l'arrêter ; mais, lorsque la Montespan, dont la faveur est alors déclinante, est à son tour accusée d'avoir tenté d'empoisonner sa rivale la Fontanges, le roi comprend que le trône lui-même risque d'être éclaboussé et donne l'ordre aux magistrats d'éteindre les poursuites. La Montespan avoua simplement avoir fait confectionner des philtres pour conserver l'amour du roi ; il est probable que beaucoup d'accusations lancées furent grossies par les inculpés soumis à la question afin d'obtenir des sursis ou l'adoucissement de leur peine. Mais l'affaire révèle à quel point la sorcellerie et l'usage des poisons, venus d'Italie avec la Renaissance, fleurissaient alors en France.

— Pierre-Robert LECLERCQ

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