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SCHNÆBELÉ AFFAIRE (1887)

Banale affaire d'espionnage, l'affaire Schnæbelé a, en raison de la tension des rapports franco-allemands, failli déboucher sur une guerre, puis a donné le coup d'envoi à la crise boulangiste en France. L'Alsacien Guillaume Schnæbelé, ex-instituteur devenu commissaire de police, opte pour la France en 1871 ; il est affecté à la gare de Pagny-sur-Moselle comme commissaire spécial. À cet important nœud ferroviaire, il assume le rôle d'un agent de renseignements sur la situation en Lorraine et en Allemagne. Sur dénonciation d'un espion arrêté à Strasbourg, le tribunal de Leipzig délivre un mandat d'arrestation contre lui. On n'a pu déterminer avec certitude l'instigateur du guet-apens, ni le service qui l'a accompli. Il semble que le collègue allemand de Schnæbelé, le commissaire Gautsch, un Alsacien entré au service de l'Allemagne, a été manipulé par des services plus haut placés. Gautsch invite par deux fois Schnæbelé à venir le rencontrer à la frontière en vue d'échanger des informations. Il s'y rend, mais il est ceinturé de force, légèrement à l'intérieur du territoire français semble-t-il, par deux policiers déguisés (près de Novéant, le 20 avril). Aussitôt, une émotion considérable secoue la France, la Bourse est en baisse dès le 21 avril. Le gouvernement siège sans désemparer. L'affaire prend des proportions sans commune mesure avec ses origines ; la presse nationaliste, sous l'impulsion de Paul Déroulède et de Henri Rochefort, dénonce la mollesse du pouvoir, accusé de neutraliser le ministre de la Guerre, le général Boulanger, et appelle à la revanche. La France est saisie par un véritable vertige, et les engagements spontanés affluent dans les bureaux de garnison. La guerre semble imminente. Cette émotion s'explique par l'atmosphère tendue liée aux nombreux incidents dans l'Est, dus à la présence de colonies d'Alsaciens-Lorrains, à l'expulsion du député Antoine de Metz le 31 mars, à la surexcitation de la presse des deux côtés de la frontière et aux élections protestataires en Alsace. La crise, alimentée maintenant par les menaces de la presse allemande, culmine le 26 avril. René Goblet, le président du Conseil, se laisse gagner par la fièvre ; Jules Grévy prend l'affaire en main, persuadé que Bismarck n'est pas responsable ; il se place sur un terrain purement juridique en se fondant sur les deux lettres de Gautsch ; il sauve la paix ; Bismarck tergiverse, profite de l'incident pour obtenir le vote de sa loi militaire et libère enfin Schnæbelé le 30 avril, reconnaissant que le procédé utilisé rendrait toute relation internationale impossible. En France, cet incident renforce l'idée qu'un affrontement avec l'Allemagne est fatal ; il cristallise l'éclosion de la crise boulangiste ; le ministre de la Guerre a joué un rôle assez obscur, tenu relativement à l'écart par Grévy, proposant simplement la mise en place des troupes de couverture. Mais, comme la presse allemande porte des attaques contre lui, les nationalistes accréditent l'idée que la « reculade de Bismarck » est due au « brav' général » dont la « fière attitude » aurait intimidé l'ennemi. Boulanger se retrouve le « général Revanche ».

— Alfred WAHL

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Écrit par

  • : professeur émérite (histoire contemporaine) à l'université de Metz

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