AFRICA REMIX (exposition)
Dans l'horizon élargi de l'universalisation de l'art, les scènes artistiques les plus éloignées ont, à un moment ou à un autre, leur chance d'apparaître comme matière à exposition. Il en est une cependant dont la perception demeure problématique : l'art contemporain africain, soumis à une double réalité. Celle bien sûr de la production artistique en Afrique, dont la réalité est disparate et la compréhension encore très partielle. Celle ensuite des cadres de sa réception dans le monde occidental. Entre la gageure d'identifier des singularités à l'échelle d'un continent et d'en dessiner une géographie pertinente, les difficultés concrètes des relations d'échange et les disparités économiques, une histoire générale marquée par les relations coloniales et une histoire de l'art dépassant difficilement le primitivisme, il y a matière à des débats qui ont du mal pourtant à prendre en France.
Avec l'exposition Africa Remix : l'art contemporain d'un continent, qui s'est tenue du 8 mai au 25 août 2005, les programmes de cinéma et le colloque co-organisé avec le musée du Quai Branly à Paris, le Centre Georges-Pompidou entendait alimenter la question. Il y est parvenu, sans que pour autant les enjeux théoriques, historiques et critiques dépassent les cercles directement intéressés. Il manque toujours en France (mais aussi en bien des endroits d'Afrique) un appareillage méthodologique comparable aux post-colonialstudies des Anglo-Saxons, qui ouvre à une lecture renouvelée et consciente des relations héritées de la période coloniale.
Les hypothèses d'Africa Remix ne proposaient pas vraiment un cadre qui réponde à un tel défi culturel. Elles tentaient plutôt de donner une visibilité à des stratégies artistiques portées par des Africains du continent, mais aussi de la diaspora africaine internationale. La définition géographique portée par le sous-titre de l'exposition se soutient d'un panafricanisme qui n'a guère de sens que diplomatique, associant des artistes du Maghreb et d'Afrique du Sud, du Sénégal ou du Kenya, dans un voisinage parfois déconcertant. Enfin, les problématiques qui désignaient les trois parties de l'exposition demeuraient convenues et peu significatives : « Identité et histoire », « Corps et esprit », « Ville et terre », que complétait un secteur « Mode, design et musique ».
Mais il eût été difficile d'établir un parcours aux catégories plus fortes sur un champ de pratiques artistiques aussi élargi. De plus, le choix des quelque quatre-vingt-trois artistes participants avait fait l'objet d'un travail à plusieurs mains. Simon Njami, commissaire général pour les quatre étapes de l'exposition, a travaillé avec les commissaires de chaque lieu, dont Marie-Laure Bernadac pour l'étape parisienne et le directeur du Museum Kunst Palast à Düsseldorf, Jean-Hubert Martin, connu pour son engagement pour les arts non occidentaux depuis l'exposition Magiciens de la Terre en 1989, déjà au Centre Georges-Pompidou à Paris, et la Biennale de Lyon de l'an 2000, Partage d'exotismes.
Aussi l'accrochage n'échappait-il pas à un effet d'accumulation, dans lequel s'imposaient cependant plusieurs démarches individuelles. Yinka Shonibare (Nigeria, Londres) trouble les identités avec ses silhouettes européennes habillées de tissus imprimés « africains ». Le langage de la sculpture par assemblage de matériaux de récupération (pratiquée par Titos, Sumegné ou Dilomprizulike) paraît en revanche très surdéterminé comme un art pauvre nécessairement africain. La photographie, entre documentaire (selon Mofokeng, Mthethwa ou Goldblatt) et mise scène (Fosso), demeure un champ très actif, porteur d'enjeux parfois directement politiques. La peinture (de Tokoudagba, qui emprunte au symbolisme vaudou,[...]
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Écrit par
- Christophe DOMINO : critique d'art
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