AFRIQUE (Histoire) Les décolonisations
L'Afrique noire
La première phase
Comparées aux décolonisations de l'Asie et de l'Afrique du Nord, les premières décolonisations en Afrique noire sont perçues couramment comme pacifiques et peu affectées par la rivalité Ouest-Est, au moins jusqu'à la crise du Congo en 1960. Jusque-là, en effet, l'ex-colonisateur avait maintenu des relations privilégiées à travers diverses constructions institutionnelles, Commonwealth, Union française, Communauté, coopération.
L'Afrique noire anglophone
La Grande-Bretagne s'engagea la première dans la voie de la décolonisation en Afrique de l'Ouest, où la situation était plus « mûre » qu'ailleurs, et sur les marges du monde noir. Au Soudan, le problème était étroitement lié à l'avenir des relations anglo-égyptiennes. Le processus de transfert de souveraineté y fut très précoce. S'appuyant sur le statut juridique de condominium anglo-égyptien depuis 1898 et sur une histoire qui remontait à la conquête de cet immense territoire par les khédives du Caire au xixe siècle, les Égyptiens réclamaient le rattachement du Soudan à leur pays. En riposte, les Anglais avaient encouragé la « soudanisation » de l'administration et la naissance d'une opinion publique. Au lendemain de la guerre, ils décidèrent d'y appliquer leur schéma de changements constitutionnels « gradualistes » vers un responsible government. Entre les deux partis qui avaient émergé, l'Asiqqa proégyptien (futur Parti national unioniste) et l'Oumma traditionaliste, invoquant l'héritage mahdiste, ils choisirent d'appuyer ce dernier et instituèrent dès 1948 une Assemblée législative représentant tout le pays. Lorsque les « officiers libres » prirent le pouvoir au Caire, les Britanniques négocièrent en février 1953 la renonciation de l'Égypte à ses revendications après une courte période de self-government et l'autodétermination des populations sous contrôle international. Mais, au Soudan, la nouvelle classe politique, incertaine du résultat d'une telle consultation, préféra accélérer le pas et obtint un calendrier fixant l'indépendance complète au 1er janvier 1956.
Cette politique revêtait des caractères très ambigus. Tout d'abord, elle ne réglait pas le contentieux anglo-égyptien, car en 1954, au moment où Nasser acceptait de signer le traité avec la Grande-Bretagne, celui-ci était encore persuadé (avec juste raison, d'ailleurs) que l'autodétermination jouerait en faveur de l'Égypte. La hâte britannique à passer la main au Soudan constitua un facteur de plus de la crise de Suez. Par la suite, le Soudan n'entra pas dans le Commonwealth, mais il tint à maintenir des liens privilégiés avec la Grande-Bretagne, dont il pouvait espérer l'aide.
En Afrique noire, trois objectifs essentiels guidèrent la conduite britannique : confier les rênes gouvernementales à des élites jugées politiquement responsables et représentatives, maintenir les États décolonisés dans le Commonwealth et, bien sûr, conserver l'Afrique dans le « monde libre ». Ce fut relativement aisé pour l'Afrique de l'Ouest, où la décolonisation procéda d'une conduite beaucoup plus sûre, au point qu'elle parut longtemps démontrer la validité de la stratégie du Colonial Office et représenter un exemple d'évolution harmonieuse vers le Commonwealth. Dans ce schéma, la Gold Coast joua le rôle de pays pilote malgré les troubles de 1949 ; un processus constitutionnel lui permit d'accéder au partnership dès 1951 et à l'indépendance complète, le 6 mars 1957 ; la Gold Coast, devenue le Ghāna, fut ainsi la première colonie d'Afrique noire à accéder à la souveraineté internationale. En fait, l'exemplarité du cas provint essentiellement du pragmatisme des partenaires, responsables dans les cabinets travaillistes puis conservateurs d'un côté, et [...]
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Écrit par
- Marc MICHEL : professeur d'histoire contemporaine, université de Provence (Aix-Marseille-I)
Classification
Médias