AFRIQUE NOIRE (Arts) Histoire et traditions
Palais et arts de cour
En Afrique, il n'y a pas d'équivalent d'une cour comme celle du Versailles de Louis XIV, du moins jusqu'à l'apparition de monarchies qui se sont substituées lentement aux anciens pouvoirs, surtout à partir du xviiie siècle. Longtemps certains chefs importants ont vécu en itinérants, sous la tente en Éthiopie jusqu'à Gondar, ou bien de palais végétal en palais végétal en Afrique orientale. Aux xviiie et xixe siècles, parfois plus tôt comme à Bénin, ville construite vers 1440, surgissent par volonté royale des palais, formés par l'agglutination de plusieurs bâtiments, à Kumasi (Ghana), à Agbomey (Bénin). L'ostentation ne sied pas à des pouvoirs rarement héréditaires, souvent contrebalancés et surveillés par de puissants contre-pouvoirs, religieux ou familliaux. Cependant, la réalité du palais se lit grâce à des indicateurs culturels précis. À Madagascar, le sommet de la plus haute colline est enfermé dans un rova, quartier clos, où le symbolisme des orientations assigne une place à chaque construction et à chaque être ; une étiquette rigoureuse rend difficile le franchissement des enceintes successives – de cinq à sept – qui sont gardées : fossés creusés profondément, enceintes végétales ou d'argile dont il reste peu de traces. Ces centres étaient peu visibles, et cependant ils devinrent de plus en plus importants socialement jusqu'à la colonisation européenne.
L'art a néanmoins sa place dans ces demeures éphémères : décors sculptés ou peints, surtout sur les façades ouvrant sur des cours, chez les Ashanti (Ghana), les Igbo (Nigeria), dans les Grasslands du Cameroun ; plus ou moins géométriques, plus ou moins abstraits, ces décors comportent souvent des éléments que l'on retrouve sur les tissus ou sur les masques, parfois même des allusions directes à une « actualité » quotidienne (palais d'Olokoro, Nigeria, où le décor d'une longue façade réunit aux symboles « traditionnels » une bicyclette). Cariatides et poteaux de bois sculpté supportent les toitures (Ashanti, Nigeria) ; claustra de bois ou de pierre, portes et linteaux sculptés (Nigeria, Cameroun), subtils tressages de végétaux (République démocratique du Congo) servent de cloisons intérieures ou extérieures. Les sols enfin sont traités de façons très variées : en pierre ou en tessons de poterie (Nigeria, Cameroun, Togo), en terre damée de couleur rouge, très rigoureusement entretenue (à Taddo, au Togo), sols peints que l'on rafraîchit chaque jour en Afrique centrale.
Des portraits royaux de convention
Si l'on excepte les cas plus anciens d'Ifé ou de Bénin, la représentation du souverain est rare. Chez les Kuba, c'est en principe un portrait préparé du vivant du roi, mais c'est en réalité une image convenue, où seul le socle apporte un élément d'individualité, demeure d'éternité où le dernier souffle du souverain est censé se déposer. Cas tout à fait insolite, depuis le xixe siècle les Tshokwe réalisent, à la demande des Lunda dont ils dépendent, des sculptures ; ils sont seuls à produire fréquemment l'image du héros fondateur du peuple lunda, avec de savoureuses variantes, souvent tout à fait anachroniques. Leur art est reconnaissable entre tous. Les Tshokwe travaillaient à la fois comme agents de la cour lunda et comme fournisseurs directs des Portugais et autres Européens installés sur la côte. Pour les Akan, un masque d'or rappelle théoriquement les traits du défunt ; mais là encore les conventions l'emportent sur le réalisme. À Agbomey, l'histoire d'un règne est racontée de façon symbolique sur de grandes toiles cousues. On peut d'ailleurs se demander si des œuvres superbes comme Le Cavalier, conservé au musée des Arts africains de Washington, ne sont pas des effigies[...]
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Écrit par
- Jean DEVISSE : professeur émérite à l'université de Paris-I
- Francis GEUS : maître de conférences à l'université de Lille-III (égyptologie), directeur de la Mission française de l'île de Saï, Soudan
- Louis PERROIS : ethnologue, directeur de recherche honoraire de l'Institut de recherche pour le développement (I.R.D., ex-O.R.S.T.O.M.)
- Jean POLET : docteur ès lettres, maître de conférences associé à l'université de Paris-I
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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