AFRIQUE NOIRE (Culture et société) Civilisations traditionnelles
Les sociétés globales – ainsi appelées parce qu'en chacune d'elles l'individu trouve l'ensemble des réseaux de relations sociales dont il a besoin au cours de sa vie – furent nombreuses dans l'Afrique traditionnelle, celle qui prit fin avec la période coloniale en ses débuts, vers le dernier quart du xixe siècle. Un ethnologue, George P. Murdock, en énumère plus de huit cent cinquante, et sa liste n'est pas complète. À chaque société globale correspond une culture particulière faite d'objets matériels, de comportements institutionnalisés, d'organisations sociales, de connaissances techniques, de conceptions philosophiques et religieuses, de créations esthétiques. Cet ensemble, propre à chaque groupe, constitue un héritage collectif que chaque génération reçoit de la précédente, modifie quelque peu, et transmet à la suivante.
La culture d'une société globale est une réalité dont les dépositaires sont conscients ; ils savent qu'ils sont Dogon ou Luba et que leur mode de vie est différent de celui de leurs voisins. C'est pourquoi les ethnologues ont pris comme unité d'étude, le plus souvent, une société globale et sa culture. Mais certaines de ces cultures présentent, évidemment, des ressemblances qui permettent de les regrouper en quelques vastes unités que nous proposons d'appeler civilisations. Chacune de celles-ci résume ce qui est commun et essentiel aux différentes cultures concrètes qu'elle rassemble. L'adaptation fondamentale d'une société au monde qui l'environne consiste à en tirer ce qui est nécessaire à la subsistance du groupe ; c'est pourquoi la production des biens matériels caractérise de manière essentielle chaque culture. Les sociétés qui utilisent des techniques semblables de production sont rangées dans une même civilisation. Selon ce critère, on peut distinguer cinq civilisations traditionnelles.
Certains ethnologues comme H. Baumann et G. P. Murdock ont essayé de fonder une vue générale des cultures et sociétés africaines sur une reconstruction historique. D'autres ont donné la priorité à la géographie, de manière fort directe dans l'Ethnographic Survey of Africadirigée par Daryll Forde, et de façon très nuancée dans la classification des aires culturelles de Melville J. Herskovits. Nous pensons que les faits culturels et sociaux ont une spécificité qui s'accommode mal de catégories principalement temporelles ou spatiales ; c'est pourquoi nous préférons fonder une civilisation sur un critère purement culturel.
Civilisation de l'arc
Première chronologiquement, cette civilisation, fondée sur la chasse et le ramassage, était déjà marginale aux derniers siècles de l'époque traditionnelle. À l’époque contemporaine, il n'en subsiste que des vestiges : seules quelques bandes de Pygmées de la forêt équatoriale (comme les Mbuti en République démocratique du Congo) et de Bochimans du désert de Kalahari vivent de la nature sans la modifier. Cependant, ce fut une des grandes civilisations africaines : elle a permis à des groupes d'hommes, pendant les derniers sept à huit mille ans, de mener une existence pleinement humaine, ainsi qu'en témoignent les admirables peintures rupestres si nombreuses au Zimbabwe, en Afrique du Sud et en Namibie.
Seul un groupe restreint peut subsister de ramassage, de cueillette et de chasse, car, s'il était considérable, il épuiserait trop vite les ressources des abords de son habitat. Ce sont les conditions écologiques de l'acquisition des biens – différentes en savane et en forêt – qui déterminent la dimension optimale de l'unité de travail, la bande, et aussi celle de l'unité sociale, le camp. La bande est nomade pour la même raison : il faut se déplacer lorsque le terroir avoisinant le camp ne peut plus fournir en suffisance les produits naturels.[...]
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Écrit par
- Jacques MAQUET : professeur à l'université de Californie à Los Angeles
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