AFRIQUE NOIRE (Culture et société) Civilisations traditionnelles
Civilisation des clairières
Dans la forêt ombrophile, qui couvre quelque huit parallèles situés de part et d'autre de l'équateur, et qui s'étend à la côte marécageuse du golfe de Guinée, un autre type de civilisation se manifeste dans de petites sociétés dont certaines sont voisines de celles des chasseurs. Pour planter et récolter, des défricheurs ont taillé l'épaisse forêt avec des outils de fer, ouvrant des clairières où ils cultivent principalement des plantes à tubercules (ignames, patates douces, manioc) et des bananiers. Le rendement est minime : le sol, dépouillé de sa luxuriante végétation, devient vite stérile ; l'insalubrité affaiblit les travailleurs ; la forêt, hostile en ces régions, doit être constamment contenue et, rendant les communications difficiles, elle isole les villages.
Ceux-ci sont fondés sur la parenté – la descendance d'un ancêtre commun dans la ligne maternelle ou, le plus souvent, paternelle – qui fait du clan ou du lignage un groupe de coopération et d'intense solidarité. Les « frères » et « sœurs » (parce que fils et filles d'un homme qui a vécu il y a cinq ou six générations et a laissé un grand souvenir) s'entraident dans la vie quotidienne et, plus encore, au moment des difficultés (une mauvaise récolte, la mort d'un époux). Droits et devoirs réciproques sont définis avec précision et le patriarche du groupe, le plus proche par l'ancienneté de l'ancêtre, veille avec autorité sur le bien commun du lignage. Grâce à lui, le jeune homme sera pourvu d'une ou de plusieurs épouses, recevra la disposition d'un lopin de terre à cultiver, sera protégé contre ses ennemis, et vengé s'il a subi un dommage de la part d'un étranger.
Tout ce qu'est l'homme des clairières, il l'est en tant que descendant d'une lignée d'ancêtres. Aussi est-ce à eux que s'adresse son culte. Pour les honorer, il sculpte des images abstraites qui évoquent, non pas des individus déterminés, mais l'idée même du fondateur fécond d'un puissant lignage. Ce sont quelques-unes de ces statues ancestrales des sociétés de la forêt qui ont fait découvrir l'« art nègre » par les artistes occidentaux du début du xxe siècle.
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Écrit par
- Jacques MAQUET : professeur à l'université de Californie à Los Angeles
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