AFRIQUE NOIRE (Culture et société) Civilisations traditionnelles
Africanité
La démarche de synthèse qui conduit à regrouper la multiplicité des cultures traditionnelles africaines en cinq civilisations, peut être utilement poursuivie : l'Afrique noire traditionnelle constitue-t-elle dans son ensemble une vaste unité culturelle du même ordre que ce que nous appelons la « civilisation occidentale » ou le « monde musulman » ?
Une telle unité existe. Les cinq civilisations brièvement décrites comportent quelques traits qui reflètent une configuration commune et propre aux sociétés africaines. À titre d'exemples, citons la compensation matrimoniale, la polygamie, le pouvoir monarchique et héréditaire, le principe d'unanimité dans les délibérations des assemblées, l'importance capitale de la parenté, l'éducation visant à former des individus bien intégrés plutôt qu'originaux, le sens de la vie cherché en elle-même et non dans un au-delà, la valeur accordée à l'harmonie dans les relations sociales et à la force vitale pour l'individu, le caractère figuratif mais symbolique de la statuaire.
Ces traits – à peine évoqués par l'énumération ci-dessus – constituent le contenu de l'africanité ou de la négritude. Pour les expliquer, point n'est besoin de faire appel à une mystérieuse âme noire. Ils s'enracinent d'abord en l'expérience semblable qu'avaient du monde les hommes d'Afrique, en dépit de la diversité des milieux naturels. Ils se fondent ensuite sur les contacts entre populations, qui favorisent la diffusion des traits. Invention de semblables adaptations et communication sont les deux mécanismes qui, se renforçant l'un l'autre, créèrent en Afrique noire une communauté de culture.
Par ces multiples contacts internes – les migrations furent nombreuses en Afrique : presque tous les groupes actuels ont le souvenir d'être venus d'ailleurs – se constitua, au cours des siècles, un important fonds commun. Son originalité s'explique par un autre aspect de la situation africaine : l'isolement. À l'exception de quelques points sur sa périphérie –ports sur les océans Indien et Atlantique, postes d'arrivée des caravanes dans la frange sahélienne – l'Afrique noire est pratiquement restée sans contacts avec le reste du monde jusqu'au xixe siècle. Ses côtes étaient d'accès difficile pour les voiliers, la progression à l'intérieur ne pouvait se faire qu'à pied et, surtout, rien n'incitait les étrangers à faire cet effort avant le temps de l'expansion coloniale européenne.
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Écrit par
- Jacques MAQUET : professeur à l'université de Californie à Los Angeles
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