ĀGAMA
Les āgama shivaïtes
Les āgama shivaïtes forment un groupe de vingt-huit écrits principaux : Kāmika, Yogaja, Cintya, Kāraṇa, Ajita, Dīpta, Sūkṣma, Sahasra, Aṃśumat, Suprabheda, Vijaya, Niśvāsa, Svāyaṃbhuva, Anila, Vīra, Raurava, Makuṭa, Vimala, Candrajn̄āna, Bimba, Prodgīta, Lalita, Siddha, Santāna, Śarvokta, Pārameśvara, Kiraṇa, Vātula. Chacun de ces āgama fondamentaux (mūlāgama) est le chef de file d'une pléiade de textes similaires considérés comme dépendants du premier et qui portent le nom d'āgama secondaires (upāgama) ; ceux-ci sont plus de deux cents.
La date de composition des āgama est des plus difficiles à déterminer. Il est certain qu'ils ont été rédigés sous leur forme actuelle avant le ixe siècle, peut-être avant le viiie. Mais nous ne possédons que des textes qui portent la trace de remaniements successifs, les premières rédactions étant bien antérieures. On sait, en effet, que certains des rituels qu'ils prescrivent étaient déjà pratiqués en pays tamoul avant le début du ve siècle, et à partir du vie siècle au plus tard en Asie du Sud-Est.
À quelques exceptions près, les āgama ont tous été retrouvés dans le Sud, et il faut probablement situer là leur origine. Quelques-uns ont été publiés au début de ce siècle, mais ces éditions en caractères grantha (du Sud) et à très faible tirage n'ont atteint qu'un public indianiste très restreint, et d'ailleurs engagé principalement dans les études védiques et classiques. Ils ont depuis lors fait l'objet d'une étude systématique nécessitée par leur importance pour l'intelligence de la religion hindoue médiévale et moderne et par leur rôle dans l'expansion de la culture indienne en Asie du Sud-Est.
Les āgama sont censés être révélés par Śiva lui-même. Le Dieu les a transmis à des êtres divins, et, par l'intermédiaire de dieux, de sages et d'hommes, ils sont arrivés jusqu'à nous, ramenés à la mesure de notre intelligence limitée, mais toujours porteurs de la parole de Śiva, vérité absolue. Ce sont les Écritures, à côté desquelles les vedapeuvent subsister, mais en position nettement inférieure : considérés comme des écrits d'origine humaine, les veda ne peuvent faire accéder le fidèle qu'à des biens temporels (bhukti), tandis que les āgama, qui ont aussi ce pouvoir, le conduisent en outre à la délivrance (mukti) de la transmigration.
Du point de vue formel, les āgama se présentent comme des déclarations solennelles faites par le Maître à son disciple attentif, dont les questions s'enchaînent au fil de l'ouvrage ou se pressent à son début. La langue est un sanskrit presque classique, s'éloignant cependant quelque peu de la grammaire de Pāṇini et contenant quelques formes originales qui trahissent parfois une influence tamoule. Ils sont en vers, du mètre appelé śloka ; mais cette versification a pour seule raison d'être de faciliter l'enregistrement mnémonique. Le style, loin d'être poétique, est au contraire monotone et souvent décevant ; il est, par surcroît, extrêmement condensé et chargé de mots techniques, ce qui rend la lecture de ces textes difficile. Mais les enseignements qu'ils contiennent sont de première importance.
Structure
Les āgama sont en principe composés de quatre sections qui exposent respectivement la doctrine, des éléments de yoga, le rituel, et enfin les règles de comportement des différentes catégories de fidèles. En réalité, la plupart des textes que nous avons se bornent à indiquer le rituel et les usages ; il est probable que beaucoup n'ont jamais possédé les quatre sections traditionnelles qui ne figurent que dans quelques-uns. Des éléments doctrinaux sont introduits à l'occasion de certains points de rituel qui impliquent leur connaissance, et une tradition orale pouvait suppléer aux lacunes[...]
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Écrit par
- Hélène BRUNNER : docteur ès lettres, chargée de recherche au C.N.R.S.
Classification
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