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ÂGE DE LA TERRE

La rigueur de la physique

La mort thermique de l’ Univers - crédits : D.R.

La mort thermique de l’ Univers

La lointaine origine de ce débat remontait à des réflexions de Georges Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), qui s’était lui-même inspiré de René Descartes (1596-1650) et de Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) pour postuler que la Terre avait initialement été une masse en fusion arrachée du Soleil lors de l’impact d’une comète. L’idée de Buffon fut alors de mesurer les vitesses de refroidissement de boulets de différentes matières chauffées à blanc, qu’il extrapola audacieusement à des objets de la taille des planètes. Pour la Terre, il détermina de la sorte que 75 000 ans s’étaient écoulés avant qu’elle ne devienne habitable et qu’elle le resterait ensuite 80 000 ans. En ayant par ailleurs observé les vitesses très faibles auxquelles des sédiments se déposaient dans la mer, Buffon consigna en vérité dans ses carnets un âge de dix millions d’années. S’il préféra ne pas le publier, ce ne fut pas en raison de la censure ecclésiastique, mais parce qu’il jugea que l’immensité d’une telle durée ne pourrait pas être appréhendée par ses contemporains.

Profils de température à l’intérieur de la Terre - crédits : Encyclopædia Universalis France

Profils de température à l’intérieur de la Terre

Un des effets les plus notables du problème cosmologique soulevé par Buffon fut d’inciter Joseph Fourier (1768-1830) à élaborer sa célèbre théorie de la propagation de la chaleur, dans laquelle il introduisit une distinction fondamentale entre les capacités qu’avait une substance de conduire et d’accumuler cette chaleur. Jugeant que ces deux variables n’étaient pas connues, Fourier s’abstint toutefois finalement de toute application au refroidissement de la Terre. Grand admirateur de Fourier, Kelvin fut plus audacieux en s’appuyant également sur les deux principes de la thermodynamique entre-temps énoncés (conservation de l’énergie et augmentation d’entropie d’un système isolé). En supposant assez arbitrairement que la température initiale de la Terre avait été de 3 870 0C, il calcula avec les paramètres thermiques jugés appropriés qu’il avait fallu de 20 à 400 millions d’années pour que le profil de température observé à la surface de la Terre (le gradient géothermique) atteigne sa valeur mesurée d’environ 30 0C par kilomètre. Le résultat était spécialement probant, car il s’accordait à l’âge déterminé pour le Soleil par une tout autre méthode : si l’énergie fournie par un combustible comme le charbon ou par la chute de comètes sur le Soleil était très insuffisante pour assurer le flux connu de chaleur solaire, celle que libérait une contraction gravitationnelle du Soleil sur lui-même autorisait en revanche des durées de 40 à 100 millions d’années.

Pour leur part, les géologues avaient eu tendance à évoquer des temps beaucoup plus longs. Le débat ainsi lancé fut d’autant plus vif que Kelvin ne cessa de reprendre ses calculs pour annoncer des durées de plus en plus courtes, qu’il limita à 24 millions seulement en 1893 à partir de paramètres thermiques qu’il pensait plus précis. Sa position fut cependant vite rendue intenable à la suite de la découverte de la radioactivité en 1896 par Henri Becquerel (1852-1908), puis des travaux de Pierre (1859-1906) et Marie Curie (1867-1934) sur l’uranium, le thorium et le radium, le premier nouvel élément chimique qu’ils découvrirent. Les calculs de Kelvin présupposaient l’absence de sources de chaleur interne à la Terre. Or Pierre Curie observa en 1903 avec son collaborateur Albert Laborde que les effets thermiques de la radioactivité étaient énormes et il démontra en outre que l’intensité des rayonnements émis décroissait avec le temps d’une manière rigoureusement exponentielle. Comme il le souligna, le temps pouvait désormais être mesuré de manière absolue, indépendamment du mouvement des astres.

Âge de la Terre calculé selon les compositions en isotopes du plomb - crédits : Encyclopædia Universalis France

Âge de la Terre calculé selon les compositions en isotopes du plomb

La première datation géologique suivit rapidement. En 1905, elle fut l’œuvre du physicien anglais Ernest Rutherford[...]

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