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ÂGE ET PÉRIODE

Toutes les sociétés humaines ont découpé le temps de leur passé, réel ou mythologique, en segments de taille variable. Ces découpages reposent sur une certaine conception du temps, mais aussi sur une interprétation plus globale du passé qui permet de comprendre le présent (évolution, dégradation, cycles, etc.), et, enfin, sur un outillage permettant la production de ces unités temporelles. Dans la mesure où le temps passé ne laisse de traces matérielles que dans l'espace, l'archéologie, en tant qu'étude des traces matérielles humaines, est par excellence la discipline du temps. Son premier travail est toujours de replacer les vestiges dans une série temporelle, découpée en unités de taille variable, elles-mêmes historiquement interprétables.

Premières mises en ordre

Parmi les sociétés traditionnelles, l'Inde a produit, par exemple, une théorie des « âges du monde », fondée à la fois sur la notion de décadence et sur celle de cycle. En Grèce, Hésiode narre dans sa Théogonie (viiie-viie s. av. J.-C.) le récit des cinq « races » successives – d'or, d'argent, de bronze, des héros et de fer –, une tradition reprise ensuite par Platon, Virgile ou encore Ovide, et que l'on tend actuellement à interpréter moins comme une pensée de la décadence que comme un système classificatoire. Les religions messianiques, et en particulier celles dites « du Livre », proposent un découpage où « l'Âge d'or » se trouve à la fin des temps, promesse d'un paradis éternel.

Si le temps de la Bible, qui compresse en six millénaires la durée de toute l'histoire du monde, s'impose durant le Moyen Âge occidental, ce mythe d'origine perd peu à peu sa crédibilité pendant les siècles suivants (même si toute lecture non littérale des livres saints reste passible d'excommunication jusqu'au début du xxe siècle). Lorsque les érudits, à partir de la Renaissance, réunissent dans des « cabinets de curiosités et d'antiques » des échantillons archéologiques, mais aussi géologiques et ethnologiques, ils cherchent à les reclasser dans un cadre chronologique. La redécouverte de l'Antiquité, comme la découverte des civilisations du Nouveau Monde, ouvrent de nouveaux espaces de pensée. Déjà Pascal, en préface à son Traité du vide (1647), esquisse l'idée d'une évolution, au moins intellectuelle, de l'humanité : « Ceux que nous appelons anciens étaient véritablement nouveaux en toutes choses, et formaient l'enfance des hommes proprement ; et comme nous avons joint à leur connaissance l'expérience des siècles qui les ont suivis, c'est en nous que nous pouvons trouver cette antiquité que nous révérons dans les autres. » En 1794, Condorcet pourra ainsi rédiger une Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, reclassant toutes les sociétés humaines selon une échelle évolutive en dix époques successives.

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

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