ÂGE ET PÉRIODE
Grandes classifications
Toutefois, le temps biblique reste l'ultime référence, et le Déluge, en particulier, constitue l'une des bornes temporelles de référence : peut-on, se demandent les savants, retrouver les restes d'un homme « antédiluvien » ? C'est en ces termes que l'un des fondateurs de la préhistoire, Boucher de Perthes, publie en 1847 et 1857 ses Antiquités celtiques et antédiluviennes, définitivement reconnues par le monde scientifique en 1859. Il y rend compte de la découverte, dans les graviers des terrasses alluviales de la Somme, de nombreux outils de silex prouvant la très grande ancienneté de l'homme (plusieurs centaines de milliers d'années). Ainsi, l'émergence de la préhistoire s'effectue de concert avec celle de la géologie, de ses strates, de ses fossiles, et donc de ses ères successives ; ou plus précisément, la géologie sert de modèle, de paradigme à la préhistoire. Un temps long, et même très long, se met en place, et avec lui les grandes classifications chronologiques construites au xixe siècle, et toujours en vigueur dans leurs traits principaux.
Ainsi, Christian Jürgensen Thomsen, nommé en 1816 conservateur du tout nouveau Musée national danois des antiquités, à Copenhague, met en ordre les nombreux objets préhistoriques de ses collections dans un « système des trois Âges », exposé en 1836 dans un Guide de l'archéologie nordique traduit en anglais en 1848. Ces âges successifs, « de la pierre », « du bronze » et « du fer », sont caractérisés par les matériaux employés, mais chacun représente en outre un stade de développement de l'humanité. Ce système est progressivement perfectionné. En 1865, dans Prehistoric Times, l'Anglais John Lubbock subdivise l'Âge de la pierre en un « Âge de la pierre ancienne » ou « Paléolithique » et un « Âge de la pierre nouvelle » ou « Néolithique ». Ami de Charles Robert Darwin, il participe du climat évolutionniste qui suit en Europe la publication de L'Origine des espèces (1859, trad. franç., 1862), référence également explicite pour l'archéologie scandinave. Le Suédois Oscar Montelius subdivise en 1885 l'Âge du bronze scandinave en six périodes et définit la « méthode typologique » qui, par référence explicite aux sciences naturelles, permet la reconnaissance de types d'outils et d'armes stables, chacun caractéristique d'une période donnée. La comparaison, de proche en proche, depuis les objets bien datés du monde méditerranéen jusqu'aux rives de la Baltique, permet à Montelius d'asseoir son système sur une chronologie absolue. En France, Édouard Lartet, géologue et préhistorien, distingue en 1861 les âges « de l'ours des cavernes », « de l'éléphant », « du renne » et « de l'aurochs », tandis qu'en 1872 Gabriel de Mortillet, directeur du musée des Antiquités nationales, subdivise en quatorze époques, dont certaines sont toujours en usage (l'Acheuléen, le Moustérien, le Solutréen, le Magdalénien) et dénommées d'après le site archéologique le plus représentatif, le système de Thomsen et Lubbock.
Ainsi, dès la fin du xixe siècle, sont mis en place les principaux éléments d'une chronologie générale de l'histoire humaine, qui repose sur deux modèles, celui de la géologie et de ses strates d'une part, et celui de l'évolutionnisme darwinien de l'autre.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
Classification
Autres références
-
ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) - Histoire de l'archéologie
- Écrit par Jean-Paul DEMOULE
- 5 390 mots
- 7 médias
...leurs objets en les classant, par forme mais aussi dans le temps et l'espace. Pour ce qui regarde la chronologie, un conservateur du musée de Copenhague, Christian Thomsen, définit les trois âges successifs de la préhistoire, respectivement « de la pierre », « du bronze » et « du fer ». L'Anglais John Lubbock... -
ANTIQUITÉ
- Écrit par Pierre JUDET DE LA COMBE
- 1 983 mots