AGENCES DE NOTATION
Fin d'hégémonie ?
Au cœur des controverses depuis la crise financière de 2007-2008, les agences de notation financière ont donc connu, tant en Europe qu'aux États-Unis, une modification de leurs sources de revenus (l'activité de titrisation s'effondre en 2008-2009 par rapport à 2007) et de leur environnement institutionnel. Mais, bien que nécessaires, ces dispositions restent insuffisantes aux yeux de nombreux observateurs, qui ont proposé diverses pistes pour sortir de la situation actuelle.
Une idée récurrente porte sur la création d'une agence de notation publique, par exemple au niveau européen. Si l'idée d'un « service public de la notation » peut paraître séduisante, il ne faut pas oublier que les notes aujourd'hui émises sont – à tort ou à raison – considérées comme crédibles par leurs utilisateurs finaux, c'est-à-dire les marchés financiers. Rien ne garantit qu'une notation souveraine émise par une agence européenne publique soit accueillie avec considération par des opérateurs privés. La diversification de l'offre de notation sur un marché toujours tenu pour l'essentiel par trois acteurs historiques est en tout cas une nécessité. De ce point de vue, la notation souveraine de cinquante pays publiée en juillet 2010 par l'agence privée chinoise Dagong Global Credit Rating n'est pas passée inaperçue. Dans ce palmarès du crédit souverain vu de Pékin, les États-Unis étaient notés AA, le Japon, le Royaume-Uni et la France AA–, la Chine et l'Allemagne AA+. Seuls sept pays se voyaient attribuer le prestigieux triple A : Norvège, Danemark, Suisse, Luxembourg, Singapour, Australie et Nouvelle-Zélande. Le développement de la notation sociale et environnementale, dite notation extra-financière, participe également à cette nécessaire diversification.
Le plus étonnant ne réside pas tant dans le fonctionnement (perfectible) des agences de notation de crédit que dans le rôle d'oracle des marchés financiers qui leur a été dévolu. Bénéficiant pendant longtemps d'une absence de réglementation les contraignant, les agences ont paradoxalement profité de la réglementation financière, laquelle a renforcé l'utilisation des notations dans un certain nombre de domaines. Cette situation conduit Bertrand du Marais à parler d'une « capture » du régulateur, s'appuyant sur une croyance très puissante : la supériorité de la finance de marché par rapport au financement intermédié, le dogme de l'efficience et de la perfection des marchés financiers.
Le mode de fonctionnement des deux principales places financières, Londres et New York, s'est ainsi diffusé à l'ensemble des places nationales comme « le » modèle de référence. Il y aurait eu en ce sens une forme d'intégration verticale, autour du même « label », celui des marchés anglo-saxons. Cette « intoxication » – terme utilisé en juillet 2010 par Jean-Pierre Jouyet, président de l'A.M.F. – des marchés à la notation est aujourd'hui remise en cause de toute part, sans qu'on voie encore émerger précisément de solution alternative crédible.
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Écrit par
- Patrick JOLIVET : docteur ès sciences économiques, manager Reporting et Etudes
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