AGENDA POLITIQUE, sociologie
La « mise à l’agenda » concerne la question des « effets » des médias sur le débat public et sur les électeurs, et en particulier lors des moments de « surchauffe symbolique » que sont les élections. Maxwell McCombs et Donald Shaw ont formulé en 1972 le principe suivant : il se peut que la presse échoue le plus souvent à dire aux gens « comment » il faut penser, mais elle réussit le plus souvent à leur dire « àpropos de quoi » il faut penser. Si effet des médias il y a, c’est par le fait qu’ils orientent les citoyens à se préoccuper d’une question politique plutôt qu’une autre, sans toutefois dire « pour qui » il faut voter. Les résultats les plus solides montrent que la corrélation entre médias et vote est d’autant plus forte que l’électeur est indécis et qu’il n’est attaché à aucun candidat ni parti. Pour autant, ces études ne sont pas sans critique. Les effets d’agenda ne fonctionnent pas toujours, ou parfois en sens inverse (Benjamin Page, Robert Y Shapiro et G. R. Dempsey, 1987). D’autres auteurs rappellent également que les analyses en terme d’agenda trouvent leurs limites dans le fait qu’elles considèrent qu’une liste de thèmes n’existe qu’à partir du moment où une source – ou la presse – en parlent (Jean Charron, 1995), oubliant tout le travail concurrentiel de définition d’une actualité effectuée par les journalistes.
Prenant acte de ces critiques, la recherche s’est ensuite intéressée à la manière dont les médias construisent la réalité, dont ils fabriquent l’environnement, définissent et cadrent les problèmes. Un cadre est un ensemble de significations et d’images, une mise en discours organisée donnant un sens à des événements et suggérant la nature de l’enjeu. Cette notion est plus souple que l’effet d’agenda, car elle prend en compte la pluralité des cadrages. L’hypothèse de ces travaux est que le cadrage a une influence sur l’interprétation des événements. Shanto Iyengar a étudié en 1991 la perception de la pauvreté auprès d’un échantillon de téléspectateurs. Il montre que le cadrage médiatique incline les citoyens à endosser une logique d’attribution causale d’un fait plutôt qu’une autre. Un cadrage thématique (à base de statistiques) incite à l’imputation collective et structurelle du problème (« la société doit faire quelque chose »), tandis qu’un cadrage épisodique (récit de vie) amène une imputation personnelle de la pauvreté (« c’est de sa faute »).
Mais là encore, rendre plus saillant un fait n’est pas tout. Pour William Gamson (1990), la lutte pour le cadrage est un enjeu central des mobilisations. En effet, pour qu’un groupe se mobilise autour d’une cause, il faut que certains cadres d’interprétations d’un problème aient pu s’imposer, dans les médias notamment. Il faut que ces derniers diffusent un effet de causalité entre un fait (maladie, problème social, etc.) et un autre, et que ce problème ait une solution politique ou collective pour que la mobilisation sociale puisse devenir un problème public majeur pour les gouvernants.
Bibliographie
J. Charron, « Les médias et les sources, les limites du modèle de l’agenda-setting », Hermès, n° 17-18, 1995
W. Gamson, TheStrategy of Social Protest, Wadsworth Pub., Belmont, 1990
S. Iyengar, Is Anyone Responsible? How Television Frames Political Issues, The Chicago University Press, 1991
M. McCombs & D. Shaw, « The Agenda-Setting Function of Mass-Media », Public Opinion Quaterly, n° 37, 1972
B. I. Page., R. Y. Shapiro & G. R. Dempsey, « What moves public opinion? », American Political Science Review, n° 81, 1987.
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Écrit par
- Nicolas HUBÉ : maître de conférences en science politique, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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