CASAROLI AGOSTINO (1914-1998)
Le 8 juin 1998 disparaissait le cardinal Agostino Casaroli, ancien secrétaire d'État, figure emblématique de la diplomatie du Saint-Siège des années 1960 à 1990. Né en 1914 près de Plaisance (Piacenza, Émilie-Romagne), prêtre en 1937, il fut formé à la diplomatie pontificale. Il ne sera jamais en poste dans une nonciature, mais travaillera toujours à la secrétairerie d'État, accomplissant à l'extérieur des missions ponctuelles tant bilatérales que multilatérales. Il est nommé sous-secrétaire aux Affaires extraordinaires en 1961, puis secrétaire en 1967, enfin secrétaire d'État et créé cardinal en 1979. Doué pour les langues, il cultivait la philosophie et l'art de parler en énigmes. Il portait sur lui un exemplaire de la Critique de la raison pure de Kant en allemand, qu'il consultait pour se détendre. D'une grande humanité, il s'est occupé de 1943 jusqu'à sa mort du centre romain Casal del marmo pour la rééducation de jeunes.
En politique italienne, son œuvre maîtresse fut la longue négociation pour la révision du concordat de 1929, conclue par la signature de l'Accord de révision de 1984. Casaroli a surtout laissé sa marque dans la politique du Saint-Siège à l'égard des régimes communistes, surtout de l'Est européen, appelée quelquefois l'Ostpolitik du Vatican. Il en a été le patient artisan, utilisant son art consommé de la diplomatie pour tisser et retisser cette toile de Pénélope des relations soviéto-vaticanes. Les Églises de l'Est étaient généralement sceptiques, voire hostiles à des pourparlers avec les régimes dont elles n'attendaient rien. Les principes de cette politique avaient été définis par Jean XXIII dans son Encyclique Pacem in terris (1963), repris par Paul VI dans Ecclesiam suam (1964). Sans se faire d'illusions et en misant sur l'érosion du système, on chercherait à obtenir pour les croyants le plus de liberté possible à l'intérieur des régimes communistes.
D'un pays satellite à l'autre la situation de l'Église catholique était différente, sur une toile de fond commune qui était leur dépendance par rapport à Moscou, consacrée par l'idéologie officielle qui tolérait plus ou moins la religion comme survivance condamnée à disparaître. Il s'agissait, si possible, de conclure des accords précis avec les gouvernements, de reconstituer la hiérarchie, de négocier la libération de prélats (Slipyj en Ukraine, Béran à Prague) et de prêtres emprisonnés, ou prisonniers volontaires comme Mindzenty à l'ambassade américaine de Budapest.
Le dégel des relations internationales survenu après 1960 a rendu possibles les premières manœuvres d'approche. Elles ont commencé en 1963 par une visite de Casaroli en Hongrie et en Tchécoslovaquie, alors qu'il n'était que sous-secrétaire. Ces premières prises de contact avaient été facilitées par des visites exploratoires du cardinal Koenig, archevêque de Vienne. Cinq rencontres auront suffi pour conclure un accord secret entre le Saint-Siège et la Hongrie en 1964. Avec la Yougoslavie, les rencontres aboutirent après deux ans à la signature d'un protocole (1966) sur les relations Église-État. Tito sera le premier chef d'État communiste à faire une visite au Vatican en 1971. Casaroli se rendra encore à Prague, pour obtenir la libération de l'archevêque, Mgr Béran. En 1973 il put lui-même ordonner quatre nouveaux évêques en Slovaquie et en Moravie. En février 1974, Casaroli est pour la première fois l'hôte officiel d'un gouvernement communiste à Varsovie, le gouvernement préférant traiter directement avec le Saint-Siège plutôt qu'avec l'épiscopat national. En janvier 1973, Casaroli rencontre à Rome le secrétaire général du parti est-allemand. Il se rend à Berlin-Est en juin 1975. Le premier[...]
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Écrit par
- Roland MINNERATH : professeur des Universités, faculté de théologie catholique, université des sciences humaines de Strasbourg
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