AGRÉGAT ÉCONOMIQUE
Au sens premier, un agrégat est un assemblage de parties qui forment un tout. Dans le vocabulaire économique moderne, le mot désigne une grandeur caractéristique de l'économie nationale et, plus généralement, une grandeur globale synthétique représentative d'un ensemble de grandeurs particulières. Le passage d'un sens à l'autre a été favorisé par le fait qu'en anglais, langue à laquelle la notion a été empruntée par les économistes, le terme aggregate, utilisé d'abord comme adjectif dans le sens de « cumulé », « total » (aggregate amount, aggregate income : « montant total », « revenu total ») s'est substantivé et a fini par désigner une somme, un total.
L'utilisation du terme en économie est liée à l'essor de la statistique économique et de la quantification macroéconomique, dans la première moitié du xxe siècle, ainsi qu'à la mise en place des comptabilités nationales, dans sa seconde moitié.
De l'arithmétique politique à la comptabilité nationale
Le calcul de grandeurs caractéristiques de l'économie nationale remonte pourtant loin. En 1676, William Petty élaborait, dans son ouvrage, Political Arithmetick, une estimation du revenu (income) et de la dépense (expence) de l'Angleterre pour 1664. Quelques années plus tard, Gregory King fournissait, pour huit ans consécutifs, ces mêmes grandeurs pour l'Angleterre, la France et la Hollande : il calculait aussi des revenus par tête et par groupe social, les revenus ordinaires et extraordinaires de la Couronne ainsi que des estimations des stocks et de la richesse de l'Angleterre. L'Arithmétique politique, cet « art de raisonner par les chiffres sur les choses qui se rapportent au gouvernement », selon la définition de Charles Davenant (1656-1714), n'aura pourtant pratiquement pas de descendance. La théorie économique classique qui lui succède refuse de se concevoir comme un outil d'État et de se donner une base empirique quantitative ; et l'évolution néo-classique ultérieure mettra l'accent sur les comportements individuels. La seule contribution des économistes en la matière va consister à établir fermement le lien entre les revenus et la production, mais les débats et les hésitations sur cette dernière notion ne permettront pas d'exploiter cette avancée. Ne paraissent plus alors, de loin en loin, que des estimations du revenu national (considéré comme une somme des revenus privés et publics), généralement liées non à une réflexion économique d'ensemble mais à des débats sur la puissance comparée des États et les projets de réforme fiscale.
Les choses changent à partir de la Première Guerre mondiale et, plus nettement, après la crise de 1929. D'un côté, les responsabilités croissantes des États en matière économique suscitent une demande accrue de statistiques économiques et un début de financement public pour leur coûteuse élaboration. De l'autre, la volonté de donner une base empirique au raisonnement économique rencontre un renouveau de la pensée macroéconomique – auquel la personne de John Maynard Keynes sera bientôt associée – et conduit à chercher dans le calcul d'agrégats macroéconomiques de nouvelles façons de poser les problèmes. Les estimations du revenu national se multiplient et sont maintenant accompagnées de décompositions (par type de revenus, productions ou dépenses correspondantes) qui leur donnent un sens. Les travaux américains du National Bureau of Economic Research (N.B.E.R., créé en 1920) sont à l'avant-garde : en 1937, Simon Kuznets publie dans National Income and Capital Formation, 1929-1935 des séries statistiques concernant le revenu national, la production, la consommation et la formation de capital (investissement productif) américain en adoptant des définitions, des délimitations et des[...]
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Écrit par
- Marc PÉNIN : maître de conférences de sciences économiques à l'université de Montpellier-I
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