AGRICULTURE Agriculture et industrialisation
L' agriculture a longtemps été la principale activité humaine à utiliser les ressources naturelles pour satisfaire des besoins humains, en particulier l'alimentation. Le présent article porte sur l'évolution des formes d'utilisation de ces ressources par l'activité agricole à partir du moment où apparaît une autre activité faisant usage des mêmes ressources : l'industrie.
L' industrialisation débute avec le recours à une énergie nouvelle : le charbon, énergie fossile, non renouvelable. Depuis l'Antiquité et jusqu'au xviiie siècle, les sources d'énergie provenaient des cours d'eau et du vent ou étaient plus ou moins directement issues de l'activité agricole : force des humains, des animaux ou énergie calorifique du bois. Sous la pression démographique, le charbon de bois s'épuise plus vite que les forêts ne se renouvellent ; il est remplacé par le « charbon de pierre », moins coûteux. Ainsi, l'agriculture et la forêt perdent progressivement leur fonction productrice d'énergie photosynthétique au profit de l'exploitation du capital photosynthétique stocké dans l'écorce terrestre.
L'organisation du territoire s'en trouve modifiée. À un artisanat dispersé succèdent des industries localisées près des mines, des voies de communication ou dans les villes mêmes, qui grossissent. Cependant, l'industrialisation n'a pu se réaliser sans l'apport de main-d'œuvre issu de la surpopulation des campagnes, une fois vaincu le spectre des famines par l'intensification des systèmes de culture. La révolution agricole consistant à remplacer progressivement la jachère de la rotation triennale par des cultures de navets et de prairies artificielles a indirectement permis l'amorce du processus d'industrialisation. À son tour, ce dernier a modifié les pratiques agricoles.
C'est ainsi qu'ont évolué en interaction, au cours des xixe et xxe siècles, activités agricoles et industrielles, aboutissant à la crise du modèle productiviste agricole et, plus généralement, à la crise énergétique que nous connaissons maintenant avec ses répercussions sur le changement climatique. Les questions du présent vont guider notre façon de voir l'évolution de l'agriculture depuis le début de l'industrialisation.
Les sociétés européennes n'ont pas connu les mêmes rythmes d'industrialisation. C'est en Grande-Bretagne qu'a débuté le processus, dans les décennies 1770-1780, avec le recours aux machines à vapeur, alimentées au charbon, et qu'il a été le plus rapide : on parle de « révolution industrielle ». En France, l'industrialisation vient plus tard, puisque ce n'est que dans les années 1820-1830 que sont construites les premières voies ferrées, et elle s'y développe plus lentement, la société paysanne y perdurant plus longtemps : c'est, selon Fernand Braudel, un trait identitaire de la France, dont l'évolution agricole est ici présentée. Le sud et l'est de l'Europe connaîtront une industrialisation plus tardive.
La lente intensification de l'agriculture française du milieu du xixe au milieu du xxe siècle
Territoires, cultures, élevages
Au milieu du xixe siècle, le territoire agricole français est cultivé à 58 p. 100 de sa surface, dont 4 p. 100 en vignes et 4 p. 100 en jardins, le reste, les « terres arables », étant consacré aux espèces annuelles et à la jachère. Les 42 p. 100 restant sont constitués de forêts, de prairies naturelles, de landes et de pâtis, espaces « laissés aux forces spontanées de la nature », comme dit de Gasparin, auteur d'un célèbre cours d'agriculture. En remontant trois siècles avant, Braudel établit que ces proportions traduisent la lente conquête de l'espace cultivé sur l'espace naturel. L'homme vit de ces deux espaces et, du second[...]
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Écrit par
- François PAPY : directeur de recherche honoraire de l'Institut national de la recherche agronomique (I.N.R.A.), membre de l'Académie d'agriculture
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Agriculture et consommation d'énergie
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