AGRICULTURE Histoire des agricultures jusqu'au XIXe siècle
Différenciation des agricultures du monde à la suite de la déforestation
La population continuant d'augmenter, la fréquence et l'intensité des défrichements par abattis-brûlis se sont accrues, amorçant un processus de déboisement qui a fini par rendre de moins en moins possible ce mode de culture. Ce phénomène, qui a touché progressivement la plupart des milieux boisés exploités avec l'outillage néolithique, fut le premier grand bouleversement écologique depuis la fin de la dernière glaciation. Il a entraîné une réduction de la fertilité des écosystèmes cultivés, une érosion accrue, surtout dans les zones accidentées, et un assèchement du climat dans de vastes régions. La crise écologique et alimentaire qui en a résulté s'est perpétuée durant des siècles, le temps que les agriculteurs surmontent deux difficultés majeures : pour assurer le renouvellement de la fertilité des terres cultivées ne portant plus de friches arborées à brûler, il fallait en effet mettre au point de nouveaux modes de conduite des cultures et des élevages ; et pour effectuer le défrichement avant semis de terres désormais envahies de mauvaises herbes, il fallait le plus souvent disposer de nouveaux outils. Cela conduisit à l'émergence progressive de nouvelles agricultures, post-forestières, très différenciées selon les régions.
Les agricultures hydrauliques des régions arides
Ainsi, il y a plus de cinq mille ans, les régions proche-orientales, sahariennes et arabo-persiques étaient déjà déboisées et en voie d'aridification. Dans les zones privilégiées, c'est-à-dire approvisionnées en eau par des nappes souterraines ou par des fleuves d'origine lointaine, les agriculteurs ont alors mis au point des cultures irriguées grâce à des travaux d'adduction d'eau, ou des cultures de décrue en utilisant l'eau accumulée dans le sol pendant la crue d'un fleuve. Ainsi se sont développées les premières grandes civilisations hydro-agricoles de la haute Antiquité : en Mésopotamie, dans les vallées de l'Indus et du Nil.
Dans la vallée du Nil par exemple, il y a 7 500 ans environ, les villageois ont commencé à pratiquer des cultures de décrue en semant chaque automne du blé, de l'orge, des lentilles, des pois, du lin... au fur et à mesure du retrait des eaux de la grande crue d'été. Il y a 6 000 ans, ils ont entrepris d'étendre les terres cultivables, c'est-à-dire celles qui se trouvent submergées lors de la crue sous au moins un mètre d'eau pendant deux mois – temps nécessaire pour qu'elles soient gorgées d'eau et reçoivent un dépôt suffisant d'alluvions fertilisantes – et exondées ensuite assez tôt pour que les cultures aient le temps de se développer durant l'hiver. Pour cela, ils ont aménagé les premiers bassins de décrue : ceux-ci, entourés de digues en terre, ont permis de contrôler le niveau et la durée de la crue en ouvrant des brèches dans les digues pour faire entrer puis sortir l'eau. Par la suite, lors de la formation des premières cités puis des dynasties pharaoniques, les bassins de décrue ont fait l'objet d'aménagements coordonnés plus étendus et plus complexes. Ainsi, durant des millénaires, les cultures de décrue ont été largement prédominantes dans la vallée du Nil en Égypte. Ce n'est qu'aux xixe et xxe siècles qu'elles seront progressivement remplacées par des cultures irriguées.
Les agricultures hydrauliques de la haute Antiquité avaient une étendue géographique limitée. Mais, comme elles pouvaient supporter des densités de population de plusieurs centaines de personnes par kilomètre carré, elles ont largement contribué à l'accroissement de la population mondiale, qui serait passée de quelque 50 millions à 100 millions d'individus entre l'an 5 000 et l'an 3 000 B.P. ([...]
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Écrit par
- Marcel MAZOYER : professeur émérite à AgroParisTech (ex. I.N.A.-P.G.)
- Laurence ROUDART : professeure en sciences de la population et du développement, spécialisée dans les questions agricoles et alimentaires à l'Université libre de Bruxelles (Belgique)
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