AGRICULTURE Histoire des agricultures jusqu'au XIXe siècle
Les grands traits de l'évolution de l'agriculture en Europe jusqu'au xixe siècle
En Europe, le déboisement était manifeste sur les rives orientales de la Méditerranée dès l'âge du bronze, vers 5 000 B.P., puis il a gagné d'est en ouest les régions tempérées chaudes du pourtour méditerranéen et s'est étendu, à l'âge du fer, aux régions tempérées froides de la moitié nord de l'Europe. Les conséquences négatives de ce déboisement se sont ainsi fait sentir jusqu'aux derniers siècles avant J.-C. Ce processus a conduit, dans les zones accidentées soumises à l'érosion, à la formation de tapis herbacés plus ou moins denses, parsemés d'arbres et arbustes, qui ont alors servi de pâturages aux animaux domestiques, constituant ce que l'on appelait en latin le saltus. En revanche, les cultures ont été de plus en plus concentrées dans les zones basses enrichies d'alluvions et de colluvions formant l'ager. Les forêts résiduelles composaient la silva, tandis que les jardins-vergers attenant aux habitations formaient l'hortus.
Les cultures avec jachère et élevage associé de l'Antiquité
Sur les terres cultivées, les céréales d'hiver (blé, orge, seigle...), qui duraient environ neuf mois (de novembre à juillet), alternaient en général avec une friche herbeuse de quinze mois, la jachère, formant ainsi une rotation biennale. Pour renouveler la fertilité de ces terres, les animaux, pâturant le jour dans les zones herbeuses environnantes, étaient parqués toutes les nuits durant quinze mois sur les jachères afin qu'ils y déposent leurs déjections. Mais ce mode de fumure impliquait beaucoup de pertes, une partie des excréments allant aux zones herbeuses, ou se perdant le long des chemins lors des allées et venues des animaux, ou étant lessivée pendant la jachère. De plus, dans les régions tempérées froides, la fumure était fortement limitée par le faible nombre d'animaux pouvant passer l'hiver : en effet, à cette époque, les paysans ne disposaient que de faucilles pour couper l'herbe, et ne pouvaient donc guère faire de réserves de foin pour alimenter le bétail durant la mauvaise saison. Il fallait donc disposer d'une grande étendue de saltus pour fumer, plutôt mal que bien, une petite superficie d'ager.
Pour défricher les terres en jachère, avant les semis, on devait les labourer, autrement dit les retourner à la bêche ou à la houe pour enfouir les herbes folles. Ainsi, une vraie jachère est une friche herbeuse de quelques mois, qui est soumise au pâturage puis labourée en vue d'être à nouveau cultivée. Mais, comme le labour à la bêche est un travail harassant et qui demande beaucoup de temps, la plupart des terres étaient simplement préparées en passant plusieurs fois l'araire. Cet outil à traction animale, venu de Mésopotamie, était muni d'une simple pointe, durcie au feu ou ferrée, qui permettait de scarifier le sol et d'extirper les mauvaises herbes, mais qui ne retournait pas vraiment la terre.
Mal défrichées et mal fumées, les terres cultivées fournissaient de faibles rendements et comme, de plus, elles étaient peu étendues, elles ne pouvaient alimenter que des populations de faible densité. La production par agriculteur étant basse, l'approvisionnement des cités était difficile. D'où les disettes et les famines fréquentes tout au long de l'Antiquité, les migrations de peuples à la recherche de nouvelles terres à coloniser, les guerres pour piller les greniers des voisins, et le plafonnement de la population européenne jusqu'au xe siècle de notre ère. Cette crise alimentaire chronique est à mettre en relation avec l'esclavage qui sévissait à l'époque, le recours à des esclaves n'ayant pas de famille à charge permettant de dégager une sorte de « surplus » entre production[...]
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Écrit par
- Marcel MAZOYER : professeur émérite à AgroParisTech (ex. I.N.A.-P.G.)
- Laurence ROUDART : professeure en sciences de la population et du développement, spécialisée dans les questions agricoles et alimentaires à l'Université libre de Bruxelles (Belgique)
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