- 1. Les raisons et les moyens des politiques agricoles
- 2. Politiques dans les pays développés et en développement jusqu’aux années 1980
- 3. La remise en cause des politiques agricoles et alimentaires dans les années 1980
- 4. Les négociations internationales depuis les années 1980
- 5. L’évolution des politiques agricoles depuis les années 1990
- 6. L’avenir compromis des négociations agricoles à l’OMC
- 7. Bibliographie
- 8. Sites internet
AGRICULTURE Politiques agricoles et négociations internationales
L’avenir compromis des négociations agricoles à l’OMC
Du fait des échecs répétés des négociations et de la rupture du principe de l’engagement unique, de nombreux analystes pensent que le cycle de Doha est gravement compromis. La déclaration officielle à l’issue de la conférence de Nairobi en 2015 a clairement fait apparaître deux positions à ce sujet : d’un côté, surtout des pays en développement qui estiment qu’il faut poursuivre les négociations telles qu’elles ont été définies dans le programme (ou agenda) de Doha ; de l’autre, des pays, parmi lesquels les États-Unis et les membres de l’UE, qui jugent qu’il faut définir un nouveau programme et de nouvelles règles de négociation.
Il est vrai que le principe de l’engagement unique et celui du consensus (un accord ne peut être officialisé que si aucun des pays membres de l’OMC ne s’y oppose) se sont révélés très contraignants et ont contribué à empêcher tout accord significatif. De plus, le contexte économique international a beaucoup changé depuis le début des années 2000. À cette époque, les prix des produits agricoles sur les marchés internationaux étaient particulièrement bas et la première phase des négociations a visé notamment à les faire remonter. Mais la flambée de ces prix en 2007-2008 et leur évolution à des niveaux relativement élevés ensuite ont modifié la donne. Selon certains, il est devenu plus important de négocier sur de nouvelles questions concernant les services financiers, le commerce électronique, les télécommunications, la propriété intellectuelle, les investissements, entre autres. Par ailleurs, les États-Unis, acteur important de ces négociations multilatérales lors des premières années, se sont progressivement désengagés et ont promu l’élaboration d’accords commerciaux bi- ou plurilatéraux. De tels accords se sont multipliés depuis les années 2000. Par exemple, l’UE a signé en 2016 un accord avec le Canada et en négocie d’autres avec les États-Unis, le Japon, le Mercosur, l’Indonésie, le Vietnam, etc. Beaucoup de ces accords traitent à la fois de l’agriculture et des nouvelles questions jugées importantes, reléguant ainsi l’OMC à un rôle secondaire dans la régulation du commerce international.
Parmi les raisons de l’échec des négociations agricoles à l’OMC, l’opposition entre le G-20 (dont l’Inde) et les pays développés (dont les États-Unis) a été particulièrement visible. Les pays du G-20, au nom du développement et de la sécurité alimentaire, ont refusé de libéraliser leur secteur agricole, et ceux d’entre eux qui en avaient les moyens (Inde, Chine, Indonésie, Philippines) ont au contraire développé des transferts en faveur de leurs agricultures. Les pays développés, quant à eux, n’ont pas voulu abaisser les transferts qu’ils accordent à leur agriculture ni accepter un accord qui ne leur ouvrirait pas plus largement les marchés des pays en développement.
Autre raison fondamentale de l’échec de ces négociations, des gouvernements de plus en plus nombreux refusent que les prix des produits agricoles dans leur pays soient alignés sur les prix des marchés internationaux. En effet, ces prix sont extrêmement volatils, car, pour de nombreuses denrées agricoles, les échanges internationaux sont résiduels, représentant à peine 15 p. 100 de la production mondiale pour les denrées vivrières de base. De plus, ces prix sont souvent particulièrement faibles, car beaucoup de ces marchés (blé, maïs, soja, par exemple) sont approvisionnés par les agriculteurs ayant les coûts de production les plus faibles du monde : ils travaillent avec des machines très performantes, utilisent sans réserve les intrants les plus profitables, dans des zones écologiquement favorables, où les coûts de la terre et de la main-d’œuvre sont dérisoires, comme au Brésil et en Argentine, par exemple. Or, l’immense majorité des agriculteurs[...]
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Écrit par
- Laurence ROUDART : professeure en sciences de la population et du développement, spécialisée dans les questions agricoles et alimentaires à l'Université libre de Bruxelles (Belgique)
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