AGRIGENTE
Le paysage urbain
La classique description de l'historien Polybe (IX, 27) se précise grâce à l'archéologie.
Topographie
La ville se trouve à 3 kilomètres de la mer et a une forme vaguement carrée (l'angle N.-E. étant émoussé). Le côté nord, le plus éloigné de la mer, a une altitude relativement élevée (350 m) : la position de l'acropole (soit au N.-E. sur la Rupe Atenea, soit au N.-O. sous la ville moderne) est encore discutée. Le côté sud était constitué par une arête rocheuse portant les grands sanctuaires (la « colline des Temples »). Les côtés est et ouest étaient bordés par les fleuves Hypsas (O.) et Akragas (E.). Tout l'espace central (la « vallée des Temples » actuelle) était occupé par l'habitat. La position de l'agora fait également problème : elle pourrait se trouver au centre (près de l'actuel musée) ou au sud (à proximité du temple de Zeus Olympien). La ville était entourée par une fortification percée de neuf portes. Au-delà des murs se trouvaient quelques sanctuaires (dont un temple d'Asclépios au sud), une fontaine sacrée (San Biagio) sur l'emplacement d'un lieu de culte indigène et les nécropoles (la plus ancienne se trouvant non loin de la mer, à Montelusa). Nous ne connaissons presque rien du port.
Urbanisme
Les fouilles ont montré que la cité a reçu dès la seconde moitié du vie siècle un plan d'urbanisme cohérent (faussement dit « hippodaméen » : les théories d'Hippodamos de Milet, au ve siècle, ont codifié une pratique existant depuis deux siècles, en particulier en Sicile). Cette organisation s'est maintenue pendant toute l'Antiquité : six grandes rues (plateiai) N.-E. - S.-O. délimitent, avec des ruelles (stenopoi) perpendiculaires, des îlots d'environ 300 m de long ; au centre (près de l'agora ?) se trouvait l'ekklesiasterion dont la datation est contestée (archaïque ou hellénistique ?).
Monuments
Mis à part le temple de Déméter dont la position près de l'enceinte orientale est conditionnée par la présence, au-delà des fortifications, d'une fontaine sacrée (cf. supra), les temples d'Agrigente sont soit sur l'acropole ( ?), c'est-à-dire sous la ville moderne – temple d'Athéna sous l'église de Santa Maria dei Greci et temple de Zeus que l'on connaît seulement par les textes –, soit sur l'éperon méridional où ils constituent un ensemble destiné à être vu à la fois de toute la ville et de la mer – c'est véritablement la « vitrine » de la cité ; peut-être chaque portion de l'enceinte était-elle placée sous le contrôle d'une divinité.
Les noms donnés actuellement à ces temples sont purement conventionnels (certains préfèrent d'ailleurs les baptiser par des lettres, ce qui est plus honnête lorsqu'on ne sait rien sur le culte qui y était pratiqué). Tous ces monuments appartiennent à l'ordre dorique. Les six grands temples de calcaire jaune (autrefois recouverts de stuc blanc) sont, d'est en ouest :
– Le temple D, dit « de Junon Lacinia », construit au milieu du ve siècle (38,15 m × 16,90 m).
– Le temple F, dit « de la Concorde », édifié vers 440 avant J.-C., qui est, avec le Théseion d'Athènes et le temple dit « de Poseïdon » à Paestum, l'un des trois temples grecs les mieux conservés (il doit son état à sa transformation en église dès 597 après J.-C.) ; il mesure 39,44 m × 16,90 m : c'est le « jumeau » du temple « de Junon ».
– Le temple A, dit « d'Hercule », est le plus ancien (fin du vie s. av. J.-C.) : 67 m × 25,34 m.
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Écrit par
- Michel GRAS : directeur scientifique adjoint au département des sciences de l'homme et de la société du C.N.R.S.
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