AGRONOMIE
L'agronomie en tant que science, du XVIIIe siècle à nos jours
C'est à partir de la seconde moitié du xviiie siècle que l'agronomie commence à devenir scientifique. Ainsi, à partir des travaux de Tull en Angleterre, le Français Duhamel du Monceau introduit la notion d'expérimentation ; parallèlement, d'ailleurs, on voit se développer des travaux de physiologie végétale. Mais la synthèse ne se fera que plus tard. En effet, il faut arriver à l'Allemand Albrecht Daniel Thaër (1752-1828) pour trouver le premier agronome au sens moderne du terme, car il tente d'établir un système de l'agriculture, s'efforçant en outre de définir la notion de « fertilité », c'est-à-dire l'aptitude à produire. Cette dernière était considérée comme une propriété inhérente au sol, et non, comme on l'a montré depuis, à l'ensemble « plante-sol-climat-techniques ». Cependant, Thaër considérait que cette propriété pouvait être modifiée par l'emploi d'une rotation adaptée. Certaines plantes avaient la réputation d'être épuisantes, donc d'abaisser la fertilité, comme les céréales ; d'autres, au contraire, d'être enrichissantes, comme les légumineuses. Le système de Thaër, bien que modifié par d'autres auteurs, était néanmoins beaucoup trop sommaire pour répondre à la réalité et, après avoir eu un certain succès, il fut abandonné.
Par ailleurs, cet agronome avait une théorie de l'alimentation des plantes qui faisait de l'humus leur seul aliment. Cette conception erronée dérivait d'une vieille théorie posant que la « vie ne pouvait provenir que de la vie » ; les plantes, se nourrissant de matières organiques, absorbaient ainsi la substance des résidus végétaux enfouis dans le sol et plus ou moins transformés, mais ayant conservé certaines de leurs vertus originelles.
Aspect chimique des problèmes
C'est à Justus von Liebig que l'on doit d'avoir, en 1840, donné son essor à l'idée de Théodore de Saussure qui montre, dans ses Recherches chimiques sur la végétation(1804), que les plantes peuvent se nourrir de matières minérales. L'alimentation carbonée s'effectue à partir du gaz carbonique de l'air, l'énergie est fournie par la lumière et cette synthèse se réalise grâce à l'action de la chlorophylle. Durant ce début du xixe siècle, divers travaux sont entrepris par des chimistes et le mot agronomie commence à prendre le sens qui a primé sensiblement jusqu'au milieu du xxe siècle, celui d'une vision fondée de manière prédominante sur l'alimentation chimique des végétaux cultivés. Parmi ceux qui ont contribué à cette œuvre, confirmant et précisant les idées de Liebig, il faut citer, par exemple, Boussingault en France, Lawes et Gilbert en Angleterre. Les agronomes privilégieront ensuite d'autres phénomènes pour concevoir des systèmes de culture rentables pour les agriculteurs tout en prenant en compte les contraintes imposées par les sociétés.
Parallèlement, les recherches concernant les autres aspects de l'agriculture, puis la connaissance des terrains, les méthodes de semis et de plantation, les conditions de travail du sol prenaient de plus en plus d'extension. Des agronomes comme Young, Sinclair en Angleterre, Gasparin, Mathieu de Dombasle en France ont apporté des contributions fondamentales au développement de l'agronomie, mais aussi des économistes ruraux comme Lecouteux.
À partir de la doctrine de Liebig, confirmée par de nombreux auteurs, les techniques de la fertilisation prennent naissance et se développent dans la mesure où l'on découvre des sources nouvelles d'éléments fertilisants et des techniques industrielles permettant de rendre ces substances plus solubles, condition nécessaire à leur assimilation par les végétaux. C'est pour normaliser[...]
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Écrit par
- Stéphane HÉNIN : directeur de recherche honoraire à l'Institut national de la recherche agronomique
- Michel SEBILLOTTE : professeur émérite de AgroParisTech (ex. I.N.A.-P.G.), ancien directeur scientifique de l'Institut national de la recherche agronomique, membre de l'Académie d'agriculture
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