AGUADA FÉNIX, site archéologique
Le site prémaya d’Aguada Fénix (Tabasco, Mexique) a été révélé au public en 2017. Son identification repose sur l’analyse, par l’archéologue Takeshi Inomata (université de l’Arizona), de relevés lidar de l’Instituto Nacional de Estadística y Geografía (INEGI), originellement destinés à l’étude de la mise en valeur de l’élevage de bétail dans cette région du Mexique, qui couvre le nord de l’État du Tabasco et le sud de celui du Campeche. Malgré les recherches antérieures, qui avaient permis l’identification de quelques petits sites mayas classiques comme Moral Reforma, la région restait encore mal connue et considérée comme dépourvue de vestiges importants.
En réalité, la monumentalité même des ensembles préhispaniques comme Aguada Fénix et d’autres étudiés depuis 2017 par le Middle Usumacinta Archaeological Project, constitue un obstacle majeur à leur identification. L’ensemble d’Aguada Fénix s’étend sur 1 400 mètres de long et 399 mètres de large avec une hauteur moyenne de 10 à 15 mètres. Dans ces conditions, une reconnaissance classique par cheminements au sol ne peut éviter les confusions entre les reliefs naturels et une architecture de terre recouverte de pâturages.
Le lidar, acronyme de light imagingdetection and ranging (détection et estimation de la distance par la lumière laser) est une technique de détection inventée par l’armée américaine dans les années 1960, puis utilisée par les météorologues, les climatologues, la NASA (lors de la mission Apollo-15), avant de trouver de multiples autres applications, dont l’archéologie. Elle consiste à émettre en continu un faisceau d’impulsions lumineuses qui traversent la canopée et renvoient un écho variable selon les objets interceptés jusqu’au sol. La densité de photons va jusqu’à soixante-six milliards de points par image, ce qui donne une très grande précision des relevés. Cette technique de détection est particulièrement efficace dans les régions de forêt tropicale où la végétation dense dissimule les vestiges au sol, comme en pays maya.
Un édifice majeur
L’organisation spatiale d’Aguada Fénix a immédiatement attiré l’attention de Takeshi Inomata, par sa similitude avec ce que les historiens de la civilisation maya nomment « groupe E ». Cette désignation correspond au nom du premier ensemble identifié à Uaxactun (Guatemala) par Frans Blom en 1926. Il se compose d’une pyramide qui fait face, de l’autre côté d’une place, à un édifice bas allongé, surmonté de trois petits temples. Depuis la pyramide, on peut enregistrer, à des dates précises, le lever et le coucher du soleil, d’où leur nom originel d’observatoires astronomiques. En réalité, les orientations des quelque trois cents exemples connus montrent une très grande diversité, et l’on préfère désormais parler de groupes de commémoration astronomique ou plus simplement de groupes E.
Ces ensembles monumentaux sont particulièrement nombreux au préclassique moyen (1000-300 av. J.-C.), en Mésoamérique orientale, notamment en zone olmèque (La Venta), au Chiapas (Chiapa de Corzo, Finca Acapulco), mais aussi sur les marges occidentales de l’aire maya (Ceibal), avec des différences significatives d’une région à l’autre. Celui d’Aguada Fénix se compose donc d’une vaste place rectangulaire bordée par deux rangées parallèles de dix petits édifices bas, à l’est et à l’ouest. Au centre, avec une déviation marquée par rapport au nord, se trouve la pyramide principale qui fait face à un édifice bas allongé. Le monticule central d’où rayonnent neuf chaussées aménagées mesure à lui seul 401 mètres de long. Cette disposition, caractéristique de la région, a été appelée MFU (Middle Formative Usumacinta) par Inomata pour bien la différencier des autres. Le volume de construction est estimé entre 3,2 et 4,3 millions de mètres[...]
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Écrit par
- Éric TALADOIRE : professeur émérite des Universités
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Médias