AGUADA FÉNIX, site archéologique
Questions autour d’un site monumental
Cela nous ramène à Aguada Fénix où, après l’identification du site en 2017, les saisons suivantes (de 2017 à 2020) ont été consacrées à la fouille et à la mise en contexte. On l’a vu, l’identification du site reposait sur l’étude circonstancielle de photos déjà existantes et destinées à d’autres usages. Les directeurs du projet, Takeshi Inomata et Daniela Triadan, ont donc procédé à l’établissement d’une couverture lidar complémentaire afin de localiser le site dans son contexte régional. Elle englobe 745 kilomètres carrés et a permis d’identifier d’autres sites similaires comme La Carmelita ou Las Garrapatas, même si aucun n’atteint les dimensions d’Aguada Fénix. Cette opération s’est poursuivie durant les dernières saisons avec des prospections traditionnelles, à pied, qui ont permis l’identification de nouveaux établissements secondaires, au nombre de vingt pour la seule saison 2019.
La seconde inconnue porte sur l’origine et l’identité des bâtisseurs d’Aguada Fénix. On l’a vu, l’édifice central du site correspond à un groupe E, caractéristique du préclassique moyen (1000 à 300 av. J.-C.). Seules des fouilles peuvent permettre de résoudre ces interrogations. Un vaste programme de puits stratigraphiques a donc été mis en place, car la fouille intégrale d’un édifice était hors de question, vu les dimensions, tout d’abord ; mais aussi par conformité avec la législation mexicaine, qui exige la restauration et la consolidation de tout bâtiment fouillé. Des sondages ont donc été implantés en 2017, 2018 et 2019 en divers emplacements stratégiques, tant à Aguada Fénix et La Carmelita que dans des groupes secondaires (Mandarina, Bomba).
Ces sondages ont permis d’établir le caractère anthropique de ces ensembles monumentaux par l’identification de sols artificiels (jusqu’à dix-neuf dans l’un d’entre eux), de structures mégalithiques assez frustes, et l’aménagement fréquent de la roche mère. Bien plus, les fouilles ont révélé une disposition délibérée de sols de couleurs différentes (noir, rouge), et presque chaque niveau a fourni du matériel céramique. Toutefois, ce matériel n’abonde pas, avec seulement quelques dizaines de milliers de tessons, une sépulture, un peu d’obsidienne provenant du site d’El Chayal au Guatemala, une petite sculpture zoomorphe et une figurine. Comme, de plus, en surface et dans les niveaux supérieurs, il a été possible d’identifier une occupation du classique tardif (800-900) et une autre du préclassique récent (300 av. J.-C.-200 apr. J.-C.), cela réduit d’autant le pourcentage de matériel réellement datable de la phase la plus ancienne. En tout état de cause, le matériel suggère une occupation du début du préclassique moyen (1250-1050 av. J.-C.), étayée par soixante-neuf datations radiocarbone. Avec beaucoup de prudence, Inomata et Triadan avancent une occupation dès cette période, antérieure aux occupations documentées sur d’autres sites mayas. Ils soulignent aussi les difficultés soulevées par ce matériel qui diffère de celui qui provient des sites olmèques voisins ou des sites du Chiapas.
Si, par conséquent, la datation ne fait désormais presque plus aucun doute, diverses questions restent en suspens. Tout d’abord, l’identité culturelle des bâtisseurs. Les indices disponibles, le matériel céramique ou les différences dans la disposition des groupes E pointent vers une distinction probable et nécessaire avec les Olmèques ou les constructeurs des ensembles monumentaux du Chiapas. Par ailleurs, quelques éléments suggèrent plutôt des liens avec les populations mayas du Guatemala, comme l’obsidienne. Inomata et Triadan butent aussi sur l’insuffisance du matériel céramique comparable et, provisoirement, se réfèrent au matériel de Ceibal.
La seconde interrogation porte[...]
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Écrit par
- Éric TALADOIRE : professeur émérite des Universités
Classification
Médias