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CARDENAS AGUSTIN (1927-2001)

Agustin Cardenas est né le 10 avril 1927 à Matanzas dans l'île de Cuba. Son père, tailleur réputé, s'installe à La Havane en 1933. Le jeune Agustin apprend à tenir l'aiguille et fait preuve d'une extrême habileté dont témoignera sa sculpture. En 1943, il entre à l'École nationale des beaux-arts „San Alejandro“. Il étudie sous la direction d'un élève de Bourdelle, le professeur Sicre. En 1949, il quitte l'École sans attendre son diplôme. Les „naines dodues“ qu'il réalise alors sont très éloignées des figures drapées de Bourdelle et elles évoquent les sculptures du Picasso de la fin des années 1920, tout en annonçant les œuvres de Botero : le jeune sculpteur noir cherche une voie qui corresponde mieux à sa sensualité latine et à sa conception d'une sculpture faite de rondeurs et de détails précis. C'est à la fois la quête d'un esprit „africain“ qui a pu paraître au jeune homme comme une arme aussi bien contre le racisme que contre l'influence de Brancusi, de Moore et de Picasso qui expliquent les formes „vitalistes“ de sa sculpture en taille directe, pour reprendre une expression d'Herbert Read.

Cardenas dessine beaucoup, de façon quasi automatique, il travaille le plâtre comme le faisait Arp. Bientôt, les formes à la fois massives et multidirectionnelles vont faire place en 1954-1955 à une statuaire verticale : Cardenas vient de découvrir l'art dogon grâce à la photographie d'un „totem“. Son univers s'approche de celui de Wilfredo Lam, le grand peintre surréaliste cubain, son aîné. Et c'est en effet au sein du mouvement surréaliste qu'il va d'abord trouver sa place lorsqu'une bourse lui permet de s'installer à Paris en décembre 1955. Cardenas se fixe pour de longues années en France mais à la fin de sa vie il était revenu vivre à La Havane, où il meurt en février 2001. En 1956, André Breton lui offre une exposition dans la galerie À l'étoile scellée. Le Couple antillais (1957), œuvre magnifique, double la structure totémique, valorise pointes, cornes et cavités. C'est comme si La Jungle (1943) de Lam, avec ses formes végétales (cannes à sucre, palmiers, hampes de bois) et hantées (oiseaux et esprits) prenait corps dans l'espace. Breton compare, en 1959, la liberté de la main de Cardenas au vol d'une libellule, et Mandiargues voit en lui „le sculpteur surréaliste par excellence“. Dans la lignée d'Arp et de Brancusi, l'artiste renouvelle le rapport de la forme sculptée à la nature par son intuition des processus d'engendrement, d'association des formes, par la variété des enchaînements verticaux et la surprise des détours qui rappellent la légèreté des grotesques de la Renaissance tout en témoignant d'un baroquisme fouillé. Cardenas va participer à trois grandes expositions surréalistes : galerie Daniel Cordier (Paris, 1959), D'Arcy's Galleries (New York, 1961), galerie de L'Œil (Paris, 1965). Bien intégré à la communauté des Montparnos, il participe à la création du salon de la Jeune Sculpture, un rendez-vous qu'il ne manque pas de 1956 à 1971. On le voit aussi aux Réalités nouvelles, au Salon de mai, à la Biennale de Paris et dans de nombreux symposiums (Japon, Israël, Canada) où sa puissance monumentale peut enfin se révéler. Ses totems, taillés dans le bois comme Composition verticale (1957) ou le bois brûlé, traduisent un étirement alors que les tailles directes en granit ou en marbre expriment l'arrondi postulé comme le désir du corps féminin. Mais la caractéristique essentielle de l'art de Cardenas est la continuité de la tresse, la relance rythmique incessante, bref un art de la filiation totémique qu'on pourrait rapprocher des Tanktotem de David Smith.

L'exposition à la galerie du Dragon en 1961, où il présente[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-X-Nanterre

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