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SHAWQĪ AḤMAD (1868-1932)

Né au Caire d'une famille très aisée, Aḥmad Shawqī commence, de 1885 à 1887, des études de droit qu'il va poursuivre comme boursier à Montpellier et à Paris. Passionné de poésie arabe aussi bien que de poésie française, il ne se « lasse pas de lire Victor Hugo » et Musset. Il traduit Le Lac de Lamartine. En 1891, de retour au Caire, il entre au service des khédives Tawfiq puis d'Abbās Hilmi II. Très vite il se fait remarquer par l'ampleur de sa production de poète, de romancier et de dramaturge. Il se spécialise d'abord dans les panégyriques et les poèmes de circonstance adressés à ses protecteurs. Il publie en 1897 son premier roman historique, Riwāyat ‘Adhrā' al-Hind aw tamaddun al-Farā'ina (Le Roman de la vierge de l'Inde ou la Civilisation des pharaons). Deux autres romans suivront, en 1899 et 1914.

Son hostilité envers les Anglais, bien que timidement exprimée, et sa germanophilie le font exiler en Espagne de 1914 à 1919. À la fin de la Première Guerre mondiale, Shawqī retourne au Caire où, après avoir longtemps été le « poète des princes », il devient le chantre du changement et publie des poèmes patriotiques, politiques et sociaux dans les revues et les journaux. Il s'attache un jeune chanteur encore inconnu mais bientôt célèbre, ‘Abd al-Wahhab qui orchestrera, chantera et diffusera ses poèmes à partir de 1924. Le poète reprend ainsi l'antique tradition des « récitants » rāwi qui servaient de média entre poète et public.

En 1927, connu et chanté dans le monde arabe entier, Shawqī reçoit le titre de « Prince des poètes ». Quand il meurt, en octobre 1932, il est au sommet de la gloire.

Son œuvre poétique est regroupée dans un recueil en quatre volumes, les Shawqiyyāt (1964). Elle est de facture traditionnelle par les mètres, les rimes et par la forme de la qasīda classique et du muwashshah andalou auxquels le poète n'apporte que de timides modifications. Les thèmes sont également très classiques : panégyriques, thrènes, descriptions de sites, poésie amoureuse, fables (ḥikāyāt), Fir‘awniyyāt en l'honneur de l'Égypte, Islāmiyyāt pour l'Islam, Turkiyyāt, la Turquie. Les acrobaties verbales et les images excessivement recherchées de Shawqī ont ébloui le public lettré. Mises en musique, elles ont séduit le monde arabe par la voix de ‘Abd al-Wahhab puis d'Umm Kulthum.

Mais la plus grande originalité de Shawqī consiste à s'être exprimé dans la production théâtrale, en y apportant le prestige de son nom et de son talent. Ses tragédies en vers empruntent leurs personnages à l'histoire des pays arabes, avant et après l'Islam : ‘Alī bey al-kabīr (1894), Majnūn Layla (1916), écrit en exil, ainsi que Masra‘ Kliyūbātrā (La Mort de Cléopâtre, 1917). Après un long silence, d'autres pièces se succèdent : Qambīz (Cambyse, 1931) et Antara (1932), ainsi que la seule tragédie en prose, Amīrat al-Andalus (La Princesse d'Andalousie, 1932). L'époque contemporaine est abordée dans l'unique comédie de Shawqī, al-Sitt Huda (Dame Hoda), écrite en vers et peu connue.

En réponse implicite à la domination des Turcs et des Anglais, romans, poèmes et pièces de théâtre disent un même orgueil d'être arabe et égyptien. Chaque œuvre rappelle la grandeur passée et dissimule, sous le couvert protecteur de l'histoire et de la légende, les sentiments hostiles à l'occupant. Le théâtre de Shawqī ajoute à ce message politique la critique de traditions sociales périmées qui sacrifient la femme et le bonheur du couple au despotisme du père et du clan. Mais le succès des formes poétiques et théâtrales très conventionnelles adoptées par Shawqī n'a pas survécu à sa mort. La désaffection qui a suivi a, peut-être injustement, fait oublier la portée du message exprimé.

— Nada TOMICHE[...]

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  • : agrégée, docteur ès lettres, professeur des Universités, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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