ABDALLAH ABDERAMANE AHMED (1919-1989)
Premier chef d'État des Comores, Ahmed Abdallah est né le 12 juin 1919 sur la côte est de l'île d'Anjouan, dans l'aristocratie de Domoni, selon sa biographie officielle. Mais divers portraits du chef du Parti vert (de la couleur des bulletins de vote) le décrivent plutôt comme un paysan madré ou un boutiquier roublard. Après une formation de niveau secondaire, il s'initie très vite aux affaires sous la conduite d'un frère aîné qui fait du négoce entre Madagascar et les Comores. C'est en 1945 qu'il entre sur la scène politique, dans le sillage de Saïd Mohamed Cheikh (fondateur du Parti vert). Élu au conseil général des Comores en 1946, il en devient président en 1950. Puis, à partir de 1953, il siège à Paris, à l'Assemblée de l'Union française, avant de devenir sénateur en 1959. Parallèlement, il s'assure un contrôle quasi total sur la collecte de la vanille produite à Anjouan. Les profits sont réinvestis dans l'achat de plantations à Anjouan et à Mayotte. Lorsque, à partir de 1958, les autorités françaises contraignent la société Comores Bambao (S.C.B.) à revendre des parcelles de ses immenses domaines, Ahmed Abdallah, qui a fait partie à Paris du groupe de travail sur la réforme foncière, fait aussi partie des premiers acquéreurs. Le régime d'autonomie interne, de 1961 à 1976, lui permet d'accroître sa fortune grâce aux importations de riz, aliment de base des Comoriens. Une grande partie du riz acheté à un prix subventionné par la France est revendue au marché noir et non au prix subventionné. Achats de vanille et ventes de riz constituent la trame d'un réseau de clientélisme et de contrôle politique redoutable. Après la mort de Saïd Mohamed Cheikh en 1970, Ahmed Abdallah s'allie au Parti blanc (créé en 1968), parti de jeunes cadres qui veulent accélérer le processus, d'accession à l'indépendance. Cette coalition, l'Udzima, le porte à la présidence du Conseil de gouvernement, en décembre 1972, avec pour mission de négocier avec la France « l'accession à l'indépendance dans l'amitié et la coopération ». Mais, si Ahmed Abdallah mène à bien ce programme avec les autorités françaises, il ne fait rien pour amadouer les Mahorais auprès desquels il reste d'autant plus impopulaire qu'il a racheté beaucoup de terres à Mayotte.
Le 22 décembre 1974, l'ensemble des quatre îles comoriennes se prononce à 95 p. 100 pour l'indépendance mais, à Mayotte, il y a 65 p. 100 de « non ». Lorsque, le 3 juillet 1975, le Parlement français adopte une loi qui reporte l'indépendance et permet à Mayotte de rester française, le camouflet est terrible. Trahi par les dirigeants français, Ahmed Abdallah proclame unilatéralement, le 6 juillet 1975, l'indépendance, accomplissant ainsi la partition de l'archipel, Mayotte demeurant française. Il devient le premier chef d'État des Comores. Le 3 août 1975, un coup d'État est organisé à la Grande Comore par Ali Soilih, en l'absence d'Ahmed Ahdallah qui se trouve à Anjouan.
Celui-ci en sera délogé le 21 septembre par une centaine de « mapinduzi » (militaires militants), encadrés par six mercenaires recrutés à cette occasion. Ali Soilih le laisse s'exiler en France. Lorsque, en mai 1978, cinquante mercenaires blancs mettent fin au régime d'Ali Soilih, il apparaît qu'ils sont conduits par Bob Denard, l'un des six mercenaires qui avaient capturé Ahmed Abdallah à Anjouan, et que c'est ce dernier qui a financé l'opération. Il est accueilli de manière triomphale à son retour aux Comores le 21 mai. À des journalistes interloqués il déclare : « Il faut que je me refasse ! »
Les dix dernières années de la vie d'Ahmed Abdallah sont consacrées à cet objectif. Candidat unique, il est élu président,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marie-Françoise ROMBI : chargée de recherche au C.N.R.S., sous-directeur du Laboratoire de langues et civilisations à tradition orales, U.P.R. 3121 du C.N.R.S.
Classification
Autres références
-
COMORES
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Marie-Françoise ROMBI
- 4 939 mots
- 4 médias
...1975, soumet la reconnaissance de l'indépendance à l'adoption préalable d'une Constitution île par île. Craignant d'être débordé par l'opinion comorienne, le président du gouvernement, Ahmed Abdallah, proclame unilatéralement, le 6 juillet, l'indépendance des Comores, dont il devient le premier chef d'État.... -
DENARD BOB (1929-2007)
- Écrit par Olivier HUBAC
- 926 mots
Robert Denard, dit colonel Bob Denard ou encore Saïd Mustapha Mahdjoub, fut, avec le Belge Jean Schramme, l'un des « affreux » les plus connus de l'histoire de l'Afrique postcoloniale. Tour à tour militaire, mercenaire et entrepreneur, Bob Denard fait figure de légende auprès du grand public comme des...