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ESSYAD AHMED (1939- )

La vocation d'Ahmed Essyad, compositeur français d'origine marocaine – il naît en 1939 à Salé (près de Rabat) –, se déclare lors d'un concert où il entend pour la première fois les Suites pour violoncelle seul de Bach. Il s'inscrit alors au Conservatoire de Rabat, où il se passionne pour l'ethnomusicologie. Grâce à une bourse d'étude il se rend en 1962 en France, où il devient l'élève de Max Deutsch (lui-même disciple de Schönberg).

Attaché à ses racines arabo-berbères et à la particularité culturelle de la musique de son pays – l'oralité –, il n'aura de cesse de concilier le geste musical et le signe de l'écriture afin de dépasser les contingences de l'un et de l'autre.

Après un essai de musique électroacoustique, Sultanes (1973) – qui n'est autre qu'une réflexion sur la musique berbère à partir de laquelle il tente de retrouver le geste du musicien populaire –, Essyad se fait connaître par une cantate pour contralto, trois groupes de cordes, percussions et récitant, Identité (1975), qui déclenche un des derniers véritables scandales de la musique du xxe siècle. Écrite sur un poème de Mahmud Darwish, cette partition sera déprogrammée du festival de Royan pour des raisons politiques (le texte, dû à un poète palestinien, prône la réconciliation entre les Juifs et les Arabes sur la terre d'Israël), puis jouée et dirigée, à la Sorbonne, par son mentor, le chef d'orchestre juif Max Deutsch, alors qu'un cordon de police filtre les entrées.

Mais la reconnaissance véritable advient au festival d'Avignon avec Le Collier des ruses (1977), une œuvre en arabe qui est interprétée par des musiciens professionnels (jouant sur partition) et par des acteurs musiciens marocains (ayant travaillé avec Essyad selon la technique de l'oralité).

Passionné par la vocalité – qui est l'un des centres d'intérêt de sa réflexion musicale –, Essyad a consacré la plupart de son œuvre à des pièces vocales qui, si elles ne relèvent pas toutes de l'opéra, comme Héloïse et Abélard (2000) et Mririda (2007), n'en portent pas moins les marques par le dramatisme et la dramaturgie qui les sous-tend : La Vie de Robert le Diable (1984, théâtre musical proche, dans sa conception, du Collier des ruses), L'Eau (1985, opéra pour solistes, chœur et orchestre, sur un livret de Tahar ben Jelloun), Tifounacine (1992, lied pour voix soliste et orchestre), L'Exercice de l'amour (1995, opéra-lumière pour solistes, chœur et orchestre composé afin d'être diffusé sur bande et d'animer les lieux historiques de la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon), Ombline ou Le volcan à l'envers (1998, oratorio pour solistes, chœur mixte, récitant, six percussions et ensemble instrumental) ou encore Chant alluvial (2013, pour mezzo-soprano et orchestre).

Mis à part L'Eau, l'œuvre la plus absolument lyrique et la plus novatrice de ce créateur est L'Exercice de l'amour, car la vocalité est l'essence même et de son être et de son vécu. Bien plus qu'un simple son et lumière narrant l'aventure spirituelle d'un moine, nous sommes en présence d'un véritable space opera dont la musique tend à assumer le pari intenable de faire résonner la pierre de ce qui reste à jamais invisible pour les yeux ! Une œuvre quasi mystique à la recherche de la lumière immanente de l'âme (dont le livret n'en est que la métaphore audible au premier degré) ; une œuvre qui « révèle » (au sens photosensible du procédé photographique) une réalité autre, une vérité au-delà de l'apparence : celle d'une spiritualité en proie à son propre questionnement. Ainsi cette œuvre se définit-elle à la frontière improbable – et pourtant perceptible – de deux univers culturels apparemment antinomiques : celui de l'oralité (au travers de[...]

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Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

Classification

Autres références

  • ULTRACHROMATISME

    • Écrit par
    • 976 mots

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