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AI QING[NGAI TS'ING](1910-1996)

Consécration, silence et création

Le tempérament de Ai Qing est si fort que, même lorsqu'il applique strictement les consignes idéologiques – adhésion aux transformations radicales que doivent subir les structures du pays –, la nature profonde du poète continue à s'exprimer. Nous retrouvons là un aspect éternel de la pensée chinoise, si souvent garrottée et qui a su, par des contes en apparence très naïfs, échapper aux contrôles bureaucratiques et affirmer ce qu'elle pensait être sa vérité. Spontanéité, franchise, simplicité sont des traits constants du caractère de Ai Qing. À ce sujet, le très important Essai sur la poésie, qu'il écrivit entre 1938 et 1939, nous aide à connaître ses conceptions sur le rôle et la responsabilité de l'écrivain.

Après une année passée à Chongqing, Ai Qing, aidé par Zhou Enlai, parvient à traverser, sous un déguisement militaire, quarante-sept postes de contrôle du Guomindang pour atteindre la base de Yan'an. L'ascendant que Mao exerça sur lui fut irrésistible. Les poèmes qui le célèbrent nous le montrent bien. Quand Ai Qing voulut partir pour le front, Mao l'en dissuada. Le poète partagea son temps entre l'enseignement et le travail agraire dans les régions frontalières, Shaanxi, Gansu et Ningxia. Après la guerre sino-japonaise, il est nommé professeur à la faculté des lettres de l'académie de littérature et des arts Lu Xun à Yan'an, puis, en octobre 1945, envoyé dans le Nord pour participer à la réforme agraire. De 1946 à 1948, il occupe la fonction de vice-directeur de l'Institut de littérature et d'art des universités conjointes du Nord de la Chine.

En 1949, Ai Qing entre à Pékin avec l'Armée de libération. Dès lors, il occupera des fonctions officielles. Lors de la création, en octobre, de la revue Renmin wenxue (Littérature du peuple), il est nommé rédacteur en chef adjoint. Il participe à de nombreux congrès, effectue des voyages en U.R.S.S., en Amérique latine et reçoit à Pékin le Chilien Pablo Neruda avec lequel il noue une solide amitié, ainsi que le Turc Nazim Hikmet. À l'occasion de ces voyages, Ai Qing écrivit de nombreux poèmes ; sa poésie prit aussi un tour plus universel. Sans cesse, il y travaille, et sa maîtrise grandit. Il chante son amour de la patrie chinoise et sa confiance en l'avenir du peuple chinois.

Aucun poème ne subsiste de la longue période 1957-1978 qui voit se succéder les critiques de Zhou Yang à l'encontre de Hu Feng, écrivain libéral proche de Ai Qing ; les « Cent Fleurs » (mai 1956-juin 1957) ; la campagne anti-droitiste (juin 1957-février 1958) et son départ forcé pour une ferme du Nord-Est pour « connaître la vie ». En 1978, Ai Qing quitte le Gobi, où il avait été contraint de passer vingt dures années de relégation. Il n'a pas cessé d'écrire, mais des milliers de vers ont disparu.

Après sa réhabilitation en 1979, Ai Qing, nommé membre du Conseil consultatif politique du peuple chinois et élu vice-président de l'Association des écrivains de Chine, fait plusieurs séjours en Europe : Italie, Allemagne et France (où il est invité à l'occasion d'un congrès sur le thème de la littérature de résistance) et passe quatre mois aux États-Unis en 1980. Partout, il est chaleureusement accueilli : sa poésie libre, qui exprime l'émotion dont est chargé chaque instant, atteint à l'universel ; par-delà les frontières, elle ne peut laisser personne indifférent.

Il est élu en 1981 vice-président du centre chinois du Pen Club international. En avril 1978, le Wen hui bao de Shanghai publia son premier poème depuis les vingt années de silence, Hongqi (Drapeau rouge), puis les journaux publièrent au fur et à mesure près de deux cents poèmes dont Sur la crête de la vague et Éloge de la lumière.

— Catherine VIGNAL

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Écrit par

  • : diplôme supérieur de l'Institut national des langues et civilisations orientales, maîtrise de littérature chinoise (Paris-VII), traductrice de chinois (littérature contemporaine), guide, interprète

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